Oreilles attentives de Guyenne et Gascogne, bonjour. Je vais vous parler d’une poétesse locale que je ne connaissais pas jusqu’il y a peu, je le reconnais, et ce fut pour moi une découverte importante à cause de la qualité de ses écrits. Il s’agit de Sabine Sicaud, qui naquit en 1913 et mourut en 1928 à Villeneuve sur Lot. En quinze années d’existence, elle a écrit des poèmes d’une grande beauté et elle a obtenu une médaille au Jasmin d’Argent pour un poème que je vais vous réciter « Le petit cèpe » :
« Va, je te reconnais, jeune cèpe des bois…/ Au bord du chemin creux, c’est bien toi que je vois / Ouvrant timidement ton parapluie. / A-t-il plu cette nuit sur la ronce et la thuie ? Déjà le soleil tendre essuie / Les plus hautes feuilles du bois…
Tu voulais garantir les coccinelles ? / Il fait beau. Tu seras, jeune cèpe, une ombrelle, / L’ombrelle en satin brun d’un roi de Lilliput ! / Ne te montre pas trop, surtout… Le chemin bouge… chut ! / Fais vite signe aux coccinelles !
Des gens sont là, dont les grands pieds viennent vers toi. / On te cherche, mon petit cèpe… / Que l’ajonc bourdonnant de guêpes, / Le genièvre et le houx cachent les larges toits / De tes ainés, les frères cèpes, / Car l’un mène vers l’autre et la poêle est au bout !
Voici qu’imprudemment tout un village pousse : / Rouge et couleur de sang, vert et couleur de mousse, / Girolle en bonnet roux, / Chapeaux rouges, verts, blonds, partout, / Les toits d’un rond village poussent !
Depuis l’oronge en œuf, le frais pâturon blanc / Doublé de crépon rose / Jusqu’au méchant bolet qu’on appelle Satan / Je les reconnais tous, les joyeux, les moroses, / Les perfides, les bons, les gris, les noirs, les roses, / Tes cousins de l’humide automne et du printemps… / Mais c’est pour toi, cher petit cèpe, que je tremble ! / Tu n’es encore qu’un gros clou bien enfoncé ; / Ta tête a le luisant du marron d’Inde et lui ressemble, / Surtout, ne hausse pas au revers du fossé / Ta calotte de moine ! On te verrait… je tremble.
Moi, tu le sais, je fermerai les yeux. / Exprès, je t’oublierai sous une feuille sèche. / Je t’oublierai, petit Poucet. Je ne puis ni ne veux / Être pour toi l’Ogre qui rêve de chair fraîche… / Je passerai, fermant les yeux !
Dans mon panier, j’emporterai quelques fleurs, une fraise… / Rien peut-être… Mais toi, sur le talus, / A l’heure où les chemins se taisent, / Levant ton capuchon, tu ne nous craindras plus !
Brun et doré, sur le talus, / Tu t’épanouiras en coupole si ronde, / Si large, que la lune en marche – une seconde- / S’arrêtera pour te frôler de son doigt blanc. La nuit / Se fera douce autour de toi, bleue et profonde. / Mignonne hutte de sauvage – table ronde / Pour les rainettes dont l’œil jaune et songeur luit, / Mon cèpe ! tu ne seras plus un clou dans l’herbe verte, / Mais un pin-parasol dans l’ombre où se concertent / Les fourmis qui, toujours, s’en vont en longs circuits ; / Tu seras une belle tente, grande ouverte, / Où les grillons viendront chanter, la nuit… »
Voilà, c’est tout et c’est une histoire vraie.
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