- Ah oui, madame, je n’avais guère l’occasion de la voir. C’était une très belle femme mais, comment dire… distante, énigmatique ! D’après ce que disait monsieur Sylvère, elle était un peu, comment dire ?
- Hautaine ?
- Ce n’est pas cela du tout, pensez ce que vous voulez mais je dirais que c’était une magicienne…
- Ah bon ?...
- Je vais vous dire : j’aime bien raconter des histoires, mais je n’aime pas inventer, tant que je peux, je cite mes sources. Ici, je ne suis qu’un témoin et de plus, encore un enfant, tout juste adolescent qui témoigne de ses impressions. Donc ce que je dis à ce sujet est vraiment à prendre au conditionnel…
- Je comprends parfaitement et je vous garantis que je n’irai dire nulle part « monsieur Thérieux m’a dit ceci ou cela ». Nous sommes dans une discussion de table, ce que vous me dites me passionne mais je sais raison garder, d’une part, et je vous considère comme quelqu’un de parfaitement sensé…
- D’accord, j’apprécie. Je reprends donc : Monsieur Sylvère était le secrétaire particulier de Monsieur et il travaillait principalement dans le bureau, où j’avais fréquemment accès. Mais parfois, Madame le faisait appeler à l’étage et il y restait assez longtemps. Il y avait entre eux deux une sorte de connivence – osons le mot – spirituelle. Mais je ne peux pas en dire plus car à mon avis il ne s’agissait pas de complicité amoureuse quoique je pense que monsieur Sylvère était secrètement épris de Madame… mais qu’il ne se l’avouait pas ! Enfin, voilà et c’est tout. Que se passait-il à l’étage ? Je ne sais pas. De plus, monsieur Sylvère et Madame sont souvent restés seuls au château tandis que je partais avec Monsieur quand je l’accompagnais dans ses tournées en tant qu’antiquaire. Et, voyez, vous me donnez une idée… vous m’avez parlé de ces cahiers et si je pouvais les consulter, je ferais des recherches aux Archives au sujet de monsieur Sylvère. Imaginez que j’arrive à retrouver sa trace et… enfin, je m’égare un peu mais sait-on jamais ? Donc ces cahiers ?
- Je vous promets de vous les faire passer, laissez-moi vos coordonnées complètes et je m’en occupe dès que possible.
- Oui, je vous donne ça de suite. Je vois que ma femme s’impatiente car nous devons aller passer l’après-midi et la soirée avec le fils, la belle-fille et les petits nfants, j’ai mon boulot de papy à assumer…
- Vous ne prenez pas le café et le pousse ?
- Non pas, mon pauvre, déjà que j’ai pas fait plaisir à mon diabète et qu’on fait encore la fête ce soir. Allez, au plaisir, je cherche un stylo et un papier et je vous donne mon adresse.
Il se lève au moment où arrivent le café et les liqueurs, portés par Rosa.qui pose son plateau sur la table et, sans façons, s’assoit à la place de Thérieux.
- Ouf, dit-elle, c’est presque la fin du service. Je vais souffler une minute, juste le temps de savoir qui tu es…
- Je suis ce que je suis mais je ne suis pas ce que je suis car si j’étais ce que je suis-je ne serais pas ce que je suis, déclare finaud Albert.
- Oui, l’ombre qui suit l’homme, je connais. Mais encore ? On m’a dit que tu es un certain Fortunio mais je suppose que c’est un surnom…
- Oui, alors franchement je me prénomme Albert, je suis ici de passage et fort heureux de l’être !
- D’être de passage ou d’être là ?
- D’être là avec une charmante dame à mes côtés !
- Voilà qui est mieux ! Comme tu sais, je suis Rosa et je suis au comité des fêtes. Tu restes pour le pour le méchoui, ce soir ?
- Bien sûr, et toi, belle Rosa ?
- Ouais mais je suis pas de service ce soir, j’aurai les gosses à mettre au lit mais je reviendrai après, dit-elle en se levant et elle repart avec son plateau.
Il est déjà quatre heures et Albert va retrouver René qui discute ferme avec ses amis.
(à suivre...)
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