Aimables lectrices, aimables lecteurs, bonjour. Voici la dernière chronique de l’été et j’en profite pour vous raconter une histoire qui s’est passée dans les années 50 aux USA et qui fut relatée par un professeur de psychologie sociale, Léon Festinger.
Dans le courant de l’année 1954, un journal local de Chicago annonçait qu’une habitante de la ville avait reçu des messages des extraterrestres de la planète Clarion. Ces messages annonçaient que le monde allait être englouti par une vaste inondation avant l’aube du 21 décembre 54. Un groupe de croyants, menés par cette dame, s’était fortement impliqué dans cette affaire et attendait la soucoupe volante qui permettrait leur salut. Ces croyants avaient une telle conviction qu’ils avaient tout abandonné, emplois, études, conjoints, argent et biens dans la perspective de cette fin du monde.
Festinger et ses collègues ont réussi à infiltrer le groupe peu avant le 20 décembre et ils ont pu ainsi relater la chronologie des évènements et l’évolution des mentalités. Le 20 décembre au soir, tous les croyants sont rassemblés chez cette dame et attendent l’arrivée du vaisseau spatial qui les sauvera du cataclysme annoncé. La prophétie avait été communiquée par les extraterrestres par écriture automatique, à savoir qu’ils transmettaient à la dame qui écrivait machinalement sous leur dictée.
Peu avant minuit, tous les fidèles sont rassemblés, ils se sont débarrassés de tous objets métalliques pour ne pas perturber leur embarquement et ils attendent. A minuit cinq, toujours rien. Mais un fidèle annonce que la pendule est probablement en avance de dix minutes et que l’heure va arriver. Minuit dix, toujours rien et les fidèles sont totalement abasourdis tellement leur croyance en cette fin du monde était intense.
Quatre heures du matin, dans un pesant silence, la dame de Chicago se met à pleurer car toutes les tentatives pour expliquer ce que j’appellerais l’absence de la fin du monde furent vaines, nul ne peut trouver les raisons de cet échec.
Quatre heures quarante-cinq minutes, la dame est pressentie pour un nouveau message dans cette écriture automatique. Il est annoncé que la planète Terre sera épargnée et sera sauvée de la destruction par le dieu. Le cataclysme n’a pas eu lieu car le groupe, assis toute la nuit avait, dans sa ferveur, répandu tant de lumière que le dieu a sauvé le monde de la destruction.
Le lendemain dans l’après-midi, le groupe appelle les journaux et propose moult entretiens pour faire connaître à un public le plus large possible l’ampleur de ce qui avait été évité.
Léon Festinger a publié un livre à ce sujet en 1956 dont le début du titre est : « When prophecy falls », ce que je vous traduis par « Quand une prophétie se casse la pipe ». Cette histoire, entre autres, lui a permis d’élaborer une théorie dite de la dissonance cognitive. Cette étude et ce concept sont restés célèbres et font toujours partie des grandes notions de la psychologie sociale.
Alors, pour conclure, je dirais que toute ressemblance entre cette histoire et celle, très actuelle, des mesures visant à nous protéger d’une épidémie serait purement fortuite. Même si on se doute que, si l’épouvantable pandémie venait à ne pas s’étendre, les fidèles hippothéocratiques arriveraient à nous dire que c’est grâce à leurs prières, leurs masques et bergamasques, leurs mesures de distanciation à géométrie variable et autres mesures incantatoires que l’humanité a été sauvée du plus grand péril possible… après les autres épidémies, la faim dans le monde et les guerres.
On voit par-là qu’il ne faut pas se hâter de conclure trop rapidement.
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