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dimanche 2 août 2020

Chronique de l’été 2020 (5)

Aimables lectrices, aimables lecteurs, bonjour. En ce dimanche d’été, une courte histoire du célèbre Nasr Eddin Hodja, bouffon à la cour du grand conquérant Timour Leng, dit Tamerlan. Cette historiette est extraite d’un livre publié chez Libretto par Jean-Louis Maunoury. L’auteur en est anonyme.

L’idiot des idiots
Timour Leng fait appeler son bouffon Nasr Eddin et lui commande :
-          Gros paresseux, justifie un peu ta fonction : je veux que pour demain tu m’aies dressé la liste complète des idiots qui fréquentent ma cour.
Le Hodj revient le lendemain avec une feuille de papier à la main. Timour voit tout de suite qu’elle porte un seul nom d’écrit.
-          N’as-tu donc trouvé qu’un seul idiot ? lui demande-t-il.
-          Oh, certes non ! Mais il en est un qui dépasse à ce point les autres que nul ne peut supporter d’être comparé à lui
-          Qui est-ce donc ?
-          Timour Leng ! crie le Hodja.
Au lieu de se mettre en colère comme d’habitude, le tyran s’amuse plutôt de cette insolence, et il demande à Nasr Eddin de s’en expliquer.
-          C’est pourtant évident, répond l’autre : s’il y a des idiots parmi tes courtisans, alors que tu les choisis toi-même, c’est que tu es un idiot de première grandeur.
-          Tu te trompes, proteste Timour. Je suis entouré de gens remarquables.
-          Si ce sont des gens remarquables, alors quel idiot tu fais de me demander de trouver parmi eux des idiots.
Voyant qu’il n’arrivera à rien, le Tartare commence à se fâcher :
-          Tais-toi donc, à la fin, insolent ! Je vais te dire ce que je pense : l’idiot c’est toi.
-          Dans ce cas, seigneur, poursuit le Hodja, imperturbable, je maintiens ma liste telle quelle car il faut vraiment être l’idiot des idiots pour demander à un idiot de dresser la liste des idiots.

On voit par-là que la sociologie moderne ne diffère guère de l’ancienne.

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