Aimables lectrices, aimables lecteurs, bonjour. En ce dimanche d’été, une
courte histoire du célèbre Nasr Eddin Hodja, bouffon à la cour du grand
conquérant Timour Leng, dit Tamerlan. Cette historiette est extraite d’un livre
publié chez Libretto par Jean-Louis Maunoury. L’auteur en est anonyme.
L’idiot des idiots
Timour Leng fait
appeler son bouffon Nasr Eddin et lui commande :
-
Gros paresseux, justifie un peu ta
fonction : je veux que pour demain tu m’aies dressé la liste complète des
idiots qui fréquentent ma cour.
Le Hodj revient le
lendemain avec une feuille de papier à la main. Timour voit tout de suite qu’elle
porte un seul nom d’écrit.
-
N’as-tu donc trouvé qu’un seul idiot ?
lui demande-t-il.
-
Oh, certes non ! Mais il en est un
qui dépasse à ce point les autres que nul ne peut supporter d’être comparé à
lui
-
Qui est-ce donc ?
-
Timour Leng ! crie le Hodja.
Au lieu de se mettre en
colère comme d’habitude, le tyran s’amuse plutôt de cette insolence, et il
demande à Nasr Eddin de s’en expliquer.
-
C’est pourtant évident, répond l’autre :
s’il y a des idiots parmi tes courtisans, alors que tu les choisis toi-même, c’est
que tu es un idiot de première grandeur.
-
Tu te trompes, proteste Timour. Je suis
entouré de gens remarquables.
-
Si ce sont des gens remarquables, alors
quel idiot tu fais de me demander de trouver parmi eux des idiots.
Voyant qu’il n’arrivera à
rien, le Tartare commence à se fâcher :
-
Tais-toi donc, à la fin, insolent !
Je vais te dire ce que je pense : l’idiot c’est toi.
-
Dans ce cas, seigneur, poursuit le Hodja, imperturbable,
je maintiens ma liste telle quelle car il faut vraiment être l’idiot des idiots
pour demander à un idiot de dresser la liste des idiots.
On voit par-là que la
sociologie moderne ne diffère guère de l’ancienne.
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