– Comme cela, Madame ? répond André en corrigeant suivant cette demande.
– Oui, ne bougez plus, c’est parfait !
André se retourne et s’adresse à Madame :
– Merci, Madame, vous avez un tel coup d’œil !
Madame sourit légèrement, satisfaite de cette allégeance.
– Si vous avez fini, vous pouvez ranger vos outils. Angeline va vous aider.
– Merci Madame, répond juste André avant qu’elle se détourne.
Ils prennent les outils, l’escabeau et redescendent les escaliers. La bonne les accompagne et, une fois qu’ils ont rangé leur matériel dans la camionnette, elle remet une petite enveloppe à André. André remercie et, une fois que la bonne est repartie, il lâche un long pet sonore qui résonne impérieusement sous l’antique voûte de l’hôtel particulier. Il monte dans la deuche et exécute un demi-tour d’anthologie ; on entend le hennissement de l’embrayage dans la cour intérieure du sénateur-maire. Il débouche dans la rue et propose à Hervé de s’arrêter au bistrot. Ce dernier acquiesce et André plonge sur une place de parking libre. Ils entrent dans un bouge sordide et sympathique et se retrouvent tous deux face à face avec un Pernod.
– Voilà du boulot vite fait bien fait, tu as été impeccable, dit André.
– J’avais rien à déclarer, répond Hervé.
– Oui, mais tu ne t’es pas senti obligé de le dire. Tu sais bien qu’il y en a qui n’ont rien à dire et qui le répètent à qui veut l’entendre…
– Je t’ai trouvé magistral dans le toucher de perceuse et tu as réussi à inhiber les velléités casse-couillères de Madame…
– Bien sûr, c’est le métier. Mais je regrette que tu n’aies pas eu droit à la prestation du sénateur-maire !
– Pourquoi, il excelle dans son genre ?
– Non, mais sa femme lui sert de repoussoir. Plus sérieusement, tu bosses pour Marondeau ou tu es son grand ami ?
– Je ne bosse pas pour lui et nous nous connaissons de fraiche date. Mais je le trouve sympa, il est drôle et très cultivé. Pour moi, qui débarque ici à Saint-Lambaire, c’est un homme précieux. Tu le connais bien ?
– Oh, oui. Ça fait peut-être quinze ans que je fais des petits boulots pour lui.
– Tu sais, je le connais à peine. Il a des enfants, ce gars ?
Là, André regarde Hervé avec des yeux ronds :
– Des enfants, Marondeau ? Tu te fous de ma gueule ?
– Non, je ne sais rien de lui.
– Écoute, ou tu es naïf ou tu joues au con. T’as pas remarqué qu’il est pédé comme un foc le Marondeau ?
– Comme un quoi ?
– Comme un foc, je te dis. Va voir sur le port comment y sont les focs et tu comprendras ce que tu risques avec lui… ou plutôt risquais, car à son âge, je suppose qu’il s’est calmé. Moi, ça fait bien longtemps que je le connais, je suis de St-Lambaire et quand j’étais jeune, vers les seize à dix-sept ans, nous trainions en ville. Marondeau nous proposait quelques sous en échanges de menus services, rien de sexuel je veux dire. Un jour pourtant, il me serre d’un peu trop près. Moi, j’avais pas ma langue dans la poche - non n’imagine rien – et je lui ai dit : « Écoute, Raymond, t’as pas intérêt à m’enculer sinon je serre les fesses et je t’emmène au commissariat » et là-dessus, je te largue une caisse faramineuse. Il a éclaté de rire en disant : « C’est bien dommage, car au bruit j’ai cru reconnaître une pucelle ». Depuis ce jour, nous sommes les meilleurs amis du monde.
– Bien, bien, je ne suis pas très physionomiste, dirais-je, mais je te remercie de me prévenir et je reconnais que j’aurais pu m’en rendre compte.
– Y’a pas de gêne, en tout cas tu as été parfait dans ton rôle. à propos, je te dois la moitié de l’enveloppe… (à suivre...)
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