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Dimanche matin, il se réveille tard, la tête lourde et met du temps à sortir du brouillard. « Merci le Pacherenc… » se répète-t-il en se préparant un café. Il n’a pas le courage de descendre acheter du pain frais et se contente de croûtons pour son petit déjeuner. Il traîne longuement avant de faire sa toilette, allume son ordinateur, boit un autre café et finalement, il se décide à se laver et s’habiller. S’il veut avoir du pain, il faut quand même qu’il se secoue. Il descend, passe à la boulangerie et achète un journal dominical. Puis il se dirige vers le bout de la rue Équoignon jusqu’à un petit bistrot où il commande un café et s’installe à une table avec le journal. Il parcourt distraitement les pages principales puis les pages régionales lorsqu’il tombe sur un entrefilet qui attire son attention : « Ce dimanche aura lieu au 12 de la rue Camériau à Saint-Lambaire l’inauguration d’une plaque commémorative rappelant que cette maison fut la maison natale du peintre Artur Leyden (1915 – 1953). M. Le Blévec, maire de Saint-Lambaire dévoilera la plaque à 11 heures 30 en présence de M. Lepetiot, député, et de Mme Secondat, née Viquerosse, héritière d’Artur Leyden. Un vin d’honneur sera offert sur place à l’issue de la cérémonie. ».
Onze heures trente, se dit-il ! J’ai juste le temps de déposer mon pain et de m’y rendre à pied sans traîner…
Il n’a plus, d’un seul coup, la tête lourde et se dépêche de remonter chez lui, il enfile un manteau, met un chapeau et part en vitesse vers la ville intra muros.
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Lorsqu’il arrive, il y a déjà du monde dans la rue Camériau, quelques tréteaux ont été installés avec des nappes en papier et deux personnes s’affairent à mettre en place des bouteilles, des gobelets et des petits biscuits. Sur la façade du numéro 12, un voile est accroché, masquant une plaque. Hervé ne reconnait personne, il reste un peu à l’écart et observe. Un officiel qu’il suppose être le maire est en grande discussion avec deux autres personnes, lorsqu’ils sont rejoints par une dame qu’il reconnaît, Madame Le Blévec. Il est heureux d’avoir pensé à mettre un chapeau, il préfère rester dans l’incognito.
Un autre personnage, grand, costard-cravate, arrive et est salué par les notables, il s’agit manifestement du député. Le maire s’agite, interpelle, puis voyant arriver une dame avec deux enfants, lève les bras :
– Madame Secondat, chère Antonia si vous permettez que je vous appelle ainsi, nous n’attendions que vous. Votre présence est un vrai bonheur, merci encore d’avoir eu la gentillesse de venir. Permettez que je vous présente Monsieur Lepetiot, notre député. Vous connaissez mon épouse, je pense ? Vous êtes venue avec vos enfants ? Que c’est bien, c’est vraiment bien de leur faire connaître le lieu où leur, leur… grand-oncle… arrière grand-oncle… a vécu...
– Bonjour Monsieur Le Blévec, bonjour madame, messieurs. Je suis la fille de la nièce de la mère d’Artur. Je suis donc sa petite cousine et mes enfants sont ses cousins à la mode de Bretagne, si je peux me permettre… Adeline, Victor, dites bonjour.
– Très bien, très bien, conclut le maire. Maintenant que vous êtes là, nous allons pouvoir commencer la cérémonie. Le temps est avec nous, il fait beau. Voudrez-vous dire quelque chose, Madame Secondat ?
– Non, je n’ai rien préparé, je dirai juste deux ou trois mots de remerciements après vous, si je peux.
– Je vous en prie. Monsieur Lepetiot prendra la parole en premier, puis je parlerai de votre petit cousin, Artur Leyden, et ensuite je vous demanderai de dévoiler vous-même la plaque. à moins qu’un de vos enfants…
– Adeline le fera. Tu le feras Dadilou ? demande Antonia.
– Je ne sais pas comment on fait, rougit la petite.
– Tu verras, c’est très simple, je t’aiderai, dit le maire. Allons, dit-il en claquant des mains, on y va !
– Mesdames, messieurs, chers Lambairiens, déclare le député en se dressant face à la petite foule autour de lui, je vous remercie d’être venus aujourd’hui pour assister à l’inauguration d’une plaque commémorant le fait que le grand peintre breton Artur Leyden est né et a vécu dans cette maison. Je vais laisser la parole à Monsieur Le Blévec, maire de votre ville, mais auparavant, je voudrais vous dire que j’ai particulièrement insisté pour qu’une rue de la communauté urbaine de Saint-Lambaire porte le nom d’Artur Leyden. La municipalité de Saint-Bélié, dont je suis aussi le maire, vient de prendre une délibération en ce sens. La rue principale du nouveau lotissement de Saint-Bélié s’appellera rue Artur Leyden, je suis fier de vous le confirmer. Il était temps que soit rendu cet hommage à notre grand concitoyen. à vous, monsieur le maire.
(à suivre...)