– Oui, c’est peut-être bien, ce cadre était un peu épais et assombrissait cette peinture. Mais je croyais que vous n’aviez ce tableau qu’en dépôt ?
– Je me suis un peu emmêlé les pinceaux avec cela, ce tableau m’appartient en propre, mais je l’ai acquis pour une somme modeste, ce qui fait que je m’en sens plus dépositaire que propriétaire. Disons que j’ai du mal à me l’approprier. Vous savez, j’ai vécu pendant pas mal d’années dans une caravane et je n’ai nullement eu pour habitude d’accrocher des œuvres originales à mes murs. Il faut du temps pour s’y faire…
– Rassurez-vous, je n’ai pas l’ambition de vous vendre une de mes toiles, vous êtes ici parce que je vous suis reconnaissante de m’avoir donné l’occasion de voir votre tableau. Je me suis informée sur Artur Leyden. Ce peintre a été, que dis-je est toujours, très prisé dans la région et même encore sur la place de Paris. Et vous possédez là une œuvre totalement atypique puisqu’il ne peignait que des marines. Un conservateur du musée de Saint-Lambaire a écrit une monographie sur Leyden, il va me la faire passer et je vous la prêterai si cela vous dit.
– Ah oui, volontiers. Mais laissons-là notre ami Artur et présentez-moi vos œuvres plus récentes si vous le voulez bien.
– Suivez-moi, dit-elle en se levant.
Elle lui fait visiter une pièce qui avait sans doute été le garage de la maison et qui actuellement sert de lieu d’exposition. Ils traversent le petit hall d’entrée laissant à leur droite un escalier au dessus duquel une pancarte indique « Privé » et ils entrent dans une vaste pièce lumineuse donnant sur une grande véranda. Des œuvres plus récentes sont exposées dans cette pièce et la véranda sert d’atelier.
– Voyez, dit Sara, tout mon rez-de-chaussée me sert de local professionnel, atelier et salles d’expo. Mon appartement est à l’étage et mon activité de peintre en bas.
– C’est très bien installé, dit Hervé. Et voici donc vos peintures les plus récentes. Je retrouve le style de ce que vous avez en exposition à Morlaix.
– Je vous laisse regarder seul pendant une dizaine de minutes puis je viendrai vous rejoindre.
Sara quitte la pièce, il l’entend monter dans son appartement. Il fait le tour des toiles exposées et, bien que n’ayant aucune connaissance particulière en peinture, quelques tableaux lui plaisent bien. Sara peint de fort jolies choses, se dit-il.
Elle revient et lui demande ce qu’il a préféré. Hervé lui dit assez franchement qu’il apprécie ce qu’il a vu mais qu’il reste sur cette forte impression qu’il a eue chez Lautort et que c’est l’étude de visages qu’il préfère.
– Vous me faites assez plaisir, moi aussi je l’aime beaucoup. Mais mon jugement est d’une subjectivité évidente.
– Ce que j’ai vu ici me plait beaucoup.
– Eh bien tant mieux, je vous signale qu’il n’est pas loin de sept heures et que vous m’avez invitée à diner, vous n’avez pas oublié je suppose ?
– Je n’ai nullement oublié, je n’ai seulement pas vu passer l’heure en votre compagnie.
– Voilà qui s’appelle se raccrocher honnêtement aux branches. Où m’emmenez-vous donc manger ?
– Euh, en voilà une bonne question ! Il y a bien un drive-in de chez Mac’Ro dans le coin ?
– Mac’Ro vous-même mon cher Hervé, ne me faites pas croire que vous n’avez pas prévu le coup…
– En effet, il y a un restaurant bien connu, Le pavé des morues, mais je m’en voudrais de vous proposer d’y aller à pied…
– Vous êtes insupportable, Hervé…
– Alors je vous emmène au Verger des Muses, je crois que c’est à deux pas d’ici.
– Il y a un bon quart d’heure à pied, de quoi nous mettre en appétit. Mais c’est un excellent choix, je n’en attendais pas moins de vous.
– Eh bien, allons-y si vous êtes prête, conclut Hervé.
(à suivre...)
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