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jeudi 11 novembre 2021

Dernier tableau (50)

 – Et depuis que vous êtes ici, vous n’avez pas essayé de retrouver Achille ?

– Non, je suis un vieux monsieur aujourd’hui. Je regrette seulement de n’avoir pu rencontrer Monsieur Estrade, lui aussi est un vieux monsieur bien sûr mais il est le biographe d’Artur Leyden. Si j’avais pu parler avec lui, j’aurais essayé de le mettre sur une piste différente. Monsieur Estrade, au sujet de la mort de Leyden, pose la question : accident ou suicide ? Moi je dirais : accident ou meurtre ?

à ce point-là ? Vous pensez qu’il aurait pu être assassiné ?

– Je ne vous raconterai pas ce que le petit Achille m’a dit. Tout ce que je peux dire, c’est que, pour moi qui ai bien écouté son histoire, il y a un doute plus que sérieux. Quoi qu’il en soit, j’ai consigné par écrit le soir même la conversation avec Achille. Et je me demande s’il reste une trace de l’entretien du gendarme avec lui. Mais, excusez-moi monsieur, je dois vous importuner avec mes vieilles histoires…

– Pas du tout, je m’intéresse à l’œuvre de Leyden et aussi à sa vie par conséquent.

– Bien, bien, mais nous devons rentrer maintenant. Enchanté, monsieur.

 

Et le couple s’en va, laissant Hervé rêveur. Ce sacré Leyden, se dit-il, me prend à la gorge depuis que j’ai passé le seuil de ce satané Marondeau… Le mort saisit le vif, dit un adage judiciaire.

Il se trouve perdu dans ses pensées, dans un brouillard auquel le whisky n’est pas étranger. à ce moment, le journaliste revient vers lui.

 

– Vous êtes toujours là ? Cette fois, je vais essayer de vous interviewer un peu, je n’ai rien trouvé à me mettre sous la dent. à ce propos, que diriez-vous si je vous invitais à parler autour d’une table ? Autrement dit, échange de bons procédés, je vous invite à manger et vous répondez à mes questions, juste de quoi donner du corps à mon article.

– Vous ne citerez pas mon nom ? Je ne serai pas en photo ? s’inquiète Hervé.

– Mais non, le photographe est déjà parti, je ne cite un nom que si on me le propose, parfois le prénom et en général un prénom d’emprunt. Alors, vous n’allez tout de même pas refuser mon invitation ?

 

Le cerveau un peu ankylosé, il accepte et suit le journaliste dans les rues de St-Lambaire. Ils arrivent à un petit restaurant-crêperie, chez Lassie. Le journaliste pousse la porte, entre et choisit une table. Une serveuse arrive.

 

– Bonjour, monsieur Tucaume, comment allez-vous ?

– Bien, Marie, bien. Comme tu vois, nous mangerons à deux, qu’as-tu à nous proposer aujourd’hui ?

– La suggestion du jour : canard à l’orange, frites. Une petite entrée crudités avant si vous voulez.

– Qu’en pensez-vous ? dit Tucaume en s’adressant à Hervé.

– Ça marche, crudités et canard à l’orange.

– Et comme boisson ? demande la serveuse.

– Aimez-vous le vin rouge ? Un petit bordeaux ? Ils ont quelque chose de très bien. Cela vous dit ?

– Volontiers, mais avec une carafe d’eau et un deuxième verre. Je ne sais déjà plus si j’ai bu deux ou trois whiskies, je voudrais tenir debout tout de même…

– En attendant, restez assis, coupe Tucaume. C’est dimanche, j’espère que vous n’êtes pas pressé ?

– Non, non, tout va bien. Mais un peu d’eau ne me fera pas de mal.

– Vous n’avez pas peur de rouiller ! Enfin, cela vous regarde, dit Tucaume en riant. Bon, je crois que je ne me suis même pas présenté : Frédéric Tucaume, Fred pour les intimes. Je suis journaliste au Courrier d’Émeraude comme vous le savez. Et depuis trente ans dans ce canard. Je fais parfois des piges pour d’autres canards…

à l’orange par exemple, souffle Hervé.

– Bien vu, je n’y avais pas pensé. Et vous, vous faites des piges pour l’almanach Vermot ?

– Vous me donnez une idée, si vous pouviez me pistonner, ça arrondirait ma retraite…

– Donc, vous êtes retraité. Vous étiez dans quoi ?

– Mécanique générale automobile. Garagiste, si vous préférez. à mon compte. J’avais un garage dans la région parisienne.

(à suivre...)

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