Vous cherchez à remuer la merde mais il n’y a personne à éclabousser, sauf vous qui tenez le bâton…
– Et qui vous dit que j’ai envie d’éclabousser quelqu’un ? Ce qui m’intéresse, c’est de comprendre le mystère de ce tableau, ou plutôt de ces deux tableaux. Pourquoi avoir délibérément caché l’un des deux ?
– Parce que Leyden ne voulait montrer ce tableau à personne, je suppose.
– Il aurait pu le détruire au lieu de l’enfermer ainsi et de le mutiler. Je vous rappelle que la toile a été pliée et retendue sur un support moins grand pour lui permettre de rentrer dans le cadre.
– Bon, c’est votre affaire après tout. Moi, ce que j’en dis… Voulez-vous un dessert ? Moi je prendrai une crème brûlée. Et un café, bien sûr.
– Allons-y pour la crème brûlée. Et un café aussi, un grand si possible.
– à la bonne heure ! Cela dit, je tiens à ce que nous gardions le contact. Je vais faire un petit topo pour mon journal, l’inauguration, les notabilités, l’apéro… Et je parlerai d’un jeune retraité passionné par la mer, la Bretagne et la peinture. Je vous promets la discrétion. Mais votre histoire m’intéresse. Je vais faire une rapide recherche dans les journaux de l’époque. Pas seulement dans le Courrier, mais aussi dans les autres journaux régionaux. Et je peux tenter une autre démarche, si cela vous intéresse. Je peux peut-être arriver à savoir si le gendarme qui a interrogé le gamin a fait un rapport. S’il n’y a eu qu’une main-courante, on a peu de chances d’en retrouver des traces. Mais un rapport, cela peut se récupérer. J’ai quelques antennes dans la police et la gendarmerie. Je ne promets rien, je propose, mais en tout cas si vous découvrez des choses intéressantes, je voudrais que vous me gardiez la primeur des informations. On ne sait jamais.
– Il n’y aura peut-être jamais matière pour le moindre article ! s’étonne Hervé.
– Oui, mais qui ne sème rien, ne récolte rien. Et je vous trouve sympathique. D’ailleurs, si l’un de nous deux a des infos, on se retrouvera chez moi. Vous ferez la connaissance de ma femme… et de sa cuisine. Ah ! Voilà le dessert et les cafés. Marie, tu me feras l’addition ? C’est moi qui paie tout. Avec une facture comme d’habitude.
– Eh bien, je peux difficilement dire que vous me prenez à froid après ce repas. Je vais vous laisser mes coordonnées téléphoniques, mon e-mail aussi.
– Votre numéro de portable suffira.
– Je n’ai pas de téléphone portable, seulement un fixe, je suis désolé. Je cherche à minimiser mes dépenses. Je préfère un bon repas à un mois de téléphone portable. Je vous rappelle que je suis sans profession, presqu’un vagabond…
– Allons, ne nous apitoyons pas sur votre sort, donnez-moi votre numéro et qu’il en soit ainsi. J’ai un portable, moi, et voici mon numéro.
– Bien, bien, mais soyez assuré que je téléphonerai le moins possible, toujours question d’argent…
– Oui, et le mieux sera certainement de se revoir. J’ai été très content de vous rencontrer. Achetez le Courrier mardi, je pense que mon article y sera.
– C’est une dépense que je peux envisager, répond Hervé en riant.
– Alors, il faut que je m’en aille, il est plus de quatorze heures et je dois faire un tour dans une fête de bienfaisance au collège Sainte-Irma, une fancy-fair comme disent les belges. Je dois vous laisser, à très bientôt.
Et il s’en va. Hervé se lève lui aussi et revient tranquillement chez lui en faisant un grand tour par les remparts.
Il pense que petit à petit, il s’est créé un réseau autour de lui, ou autour du tableau de Leyden. Il se dit qu’il devrait faire le point, non pas sur cette affaire, mais sur ce réseau. Il regrette de n’avoir pas demandé son nom à l’instituteur. Mais celui-ci n’en sait guère plus, il lui a seulement confirmé qu’Achille est sans aucun doute le seul personnage survivant de cette époque qui sache quelque chose. Il ira voir Achille cette semaine.
Une fois de retour chez lui, il fait une sieste. Il n’a pas si bien dormi que cela cette nuit, il y a le repas bien arrosé d’hier soir et celui de ce midi, sans compter l’apéritif de la rue Camériau.
(à suivre...)
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