Oreilles attentives de Guyenne et Gascogne, bonjour. A la campagne, les paysans profitent de l’hiver pour nettoyer les haies et couper du bois. Bien sûr, il y a maintenant des machines qui font l’entretien des bordures des champs, avec plus ou moins de bonheur, mais il reste encore des travaux à faire avec de l’outillage manuel. Toutefois, l’histoire que je vais vous raconter s’est passée il y a environ un demi-siècle, il y avait déjà des tronçonneuses mais la fourche et le coupesègue étaient encore des outils indispensables. Je tiens cette histoire de Jeannot lui-même qui a tenu à me la dire en me demandant de ne pas la raconter à quiconque avant l’an 2000 ! J’ai donc largement tenu ma parole car j’ai attendu que Jeannot nous quitte pour vous la faire connaître.
Jeannot donc, par une après-midi d’hiver, descendait dans sa combe pour y couper du bois. Il y avait là une haie qui avait beaucoup poussé et il devenait nécessaire de l’éclaircir. Oh, ce n’étaient pas de gros arbres qu’il allait tomber mais quand même les rondins du bas avaient un diamètre d’une cinquantaine de centimètres et les fûts une hauteur de près de dix mètres. Du bon chêne du sud-ouest qui ferait un bois de chauffage de qualité après au moins deux ans de séchage. Il suivait le chemin dans le bois avant d’arriver vers son chantier, la tronçonneuse, tenue par la lame, portée sur l’épaule avec le moteur contre l’épaule à l’arrière.
Quelle ne fut pas sa surprise de voir sur le sentier une jeune fille, vêtue d’une robe claire et légère, se promener et qui venaità sa rencontre. « Bonjour Mademoiselle, lui dit-il un peu intimidé. Vous chercher votre chemin ? » « Pas du tout, répondit-elle, je me balade et je connais suffisamment la région. Je crois que vous allez couper du bois et, si je peux me permettre, je pense que vous feriez mieux de faire très attention. Vous avez là un outil coupant et l’abattage peut être dangereux... » « Mademoiselle, vous avez certainement raison et croyez bien que je suis assez prudent. Mais j’ai du travail et il faut que je profite de chaque journée de cette saison pour le faire. Ce n’est pas en été qu’on coupe le bois ! »
Il avait à peine fini de parler qu’il se rendit compte qu’elle s’était éclipsée. « Ah, quelle péronnelle », se dit-il en lui même. Et il acheva de se rendre à son travail. Il démarra son outil, déblaia un peu le pied d’un arbre et se mit en devoir de faire une entaille dans la direction choisie. L’entaille faite, il fit sauter le joli coin de bois avant de commencer son trait à l’arrière. Il avait fait sa coupe un peu grande mais qu’importe, l’arbre était sur un rampaillot et il ne pouvait que tomber vers le bas, dans le pré. Il relança sa tronçonneuse et attaqua le trait décisif. Il n’en n’était pas à la moitié que l’arbre commença à ployer. Il voulut insister mais il vit à une dizaine de mètres la jeune fille qui semblait l’appeler. « Que se passe-t-il, pourquoi le déranger, est-elle en danger ? » pensa-t-il. Alors, il sortit la lame de la coupe et, toujours avec sa machine, il alla dans la direction de la jeune fille. A ce moment-là, un craquement bruyant se fit entendre derrière lui, l’arbre s’effondra en se fendant au milieu : il s’abattit et, soutenu par la partie non coupée, le tronc se soulèva. Puis, comme un bélier de l’ancien temps, un de ces béliers pour enfoncer les portes des châteaux, le tronc recula avec une brutalité féroce, emportant les buissons qu’il traversa. Médusé, Jeannot s’était tourné pour regarder ce travail : serait-il resté sur place qu’il se faisait descapiter et embrocher comme un petit poulet.
C’était cette jeune fille qui l’avait sauvé de ce terrible sort, il voulut la remercier, l’embrasser… mais où était-elle, elle a disparu !
Tu vois, me dit Jeannot, une fois dans ma vie, j’ai vu une fée, une fàda, une vraie ! Celui qui me prouvera le contraire n’est pas encore né !
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