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dimanche 27 mars 2022

Contes et histoires de Pépé J II (27) L’âne et les bœufs

Oreilles attentives de Guyenne et Gascogne, bonjour. Aujourd’hui, je vous fais cadeau d’une fable, à la manière des fabulistes du temps passé mais qui s’inscrit bien dans notre temps présent : 

Bien loin dans la campagne, une petite étable,

Propriété de maître Célestin :

Une petite ferme, un bon toit habitable,

Un champ pour produire le picotin,

L’autre semé en blé, une grasse pâture,

Un potager enclos, un joli poulailler.

Aussi deux rudes bœufs de solide nature

Et pour porter le bât, un âne bien taillé,

Splendide bourricot de race belle et bonne.

Le vrai baudet rustique au poil brillant gris-roux,

Qui dresse noblement son oreille friponne,

Et des yeux si brillants qu’on dirait des bijoux.

Cet aliboron est le porteur le plus rude

Que l’on peut espérer, avançant à son pas,

Une patte après l’autre avec exactitude,

Toujours sûr d’arriver, qu’on soit à l’heure ou pas.

 

Un jour voulant livrer son grain en meunerie,

Le paysan, toujours impatient,

Sur l’âne met le bât, sans nulle flatterie,

Grison le trouve bien insouciant.

 

Pour hâter le transport, le maître lui balance

De durs coups de bâton, à hue et à dia.

Le baudet prend son pas, grave et sans violence,

Dédaignant toute insulte et tout charabia.

Le paysan s’énerve, il veut aller plus vite,

Le meunier n’attend pas, l’orage peut venir.

Mais rien n’y fait, ni coup, ni juron, ni invite,

Cadichon a son rythme et compte s’y tenir.

Le maître au désespoir achète une carotte

Et, passant devant l’âne il lui tend cet appât.

Placide, l’animal fait tomber une crotte

Et garde son allure en marchant pas à pas.

La livraison se fait sans que baudet ne trotte

Puis jusques au logis retour au même train.

Le fermier mécontent donne aux bœufs la carotte :

Ils se gaussent de lui, croquant avec entrain.

« Pour un si faible effort, vois-tu la récompense

Cela ne vaut-il mieux qu’obéir au gourdin ? »

Le vieux sage Grison, sans souci de sa panse,

Réserve sa réponse et déclare soudain :

Vous pensez raisonner mais n’y entendez guère

Je ne veux nul bienfait car c’est la même main

Qui propose la paix mais qui me fait la guerre

Qui cajole aujourd’hui et frappera demain.


Le baudet en cela, mieux avisé que l’homme,

ne serait nullement prêt à voter

pour qui hier frappait, qui aujourd’hui l’assomme

Et promet demain de le dorloter.


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