Oreilles attentives de Guyenne et Gascogne, bonjour. Je crains de vous avoir un peu laissé sur votre faim la semaine passée en ne vous racontant pas vraiment la fin de l’histoire de Marceau Esquieu « L’oiseau bleu ». Aussi, je vais vous en raconter une autre, toujours du même ouvrage. Elle s’intitule « La porta », la porte.
« Longtemps, longtemps, les hommes, les pauvres hommes, comme l’ours et le blaireau, mais moins puissants et moins agiles, longtemps les hommes se sont cachés, comme ils ont pu, dans les trous de terre, les arbres creux, les cavernes…
Tandis que les sylphes, les djinns, les elfes et les korrigans, libres de chair et de tripaille… plus légers, savaient se fondre et se confondre… aux veines me du bois et du rocher. Mais les hommes se cognaient partout à la nature cruelle.
Un jour enfin il s’en est trouvé un, plus malin et plus courageux, plus industrieux que les autres au fond de son trou de terre, de bois ou de rocher… Oui, l’homme a fait face au monstre qui le serrait de près dans son trou, et, pour lui barrer le passage et le tenir hors de portée, il a mis une porte à l’entrée du terrier, de l’arbre creux ou de la caverne. L’homme a mis une porte à sa maison !
C’est la porte, bonnes gens, qui va, qui vient mais qui ne change pas de place ! Car une porte -notez le bien ! - une porte doit pouvoir, à tout moment retenir et livrer passage. Malheur au portier négligent qui l’ouvre trop tôt ou trop tard, au distrait qui la laisse ouverte !
Chez nous, en plein jour, on ferme rarement la porte de la maison. On la fermait seulement les jours de glace, les jours de grande pluie et de canicule…
C’est qu’en ces temps anciens, de vie petite et resserrée, on prenait la taille sur tout : même sur les portes et les fenêtres. On faisait payer aux pauvres l’impôt sur les seuls biens qui leur restaient. Un impôt sur l’air et le soleil !
La maison, pardi, pouvait bien, à la rigueur, se passer de fenêtres ! Certes pas se passer de porte !
Et voilà pourquoi, la porte chez nous, on aimait la laisser ouverte !
Cette porte, macarèl ! Les pauvres bougres en profitaient tant qu’ils pouvaient !…
Tout le long du jour ainsi la porte restait béante...
Et par la porte grande ouverte, la maison, jusqu’au plus noir de l’âtre se gorgeait ainsi de soleil et de jour…
Intratz !
Intratz, brave mond, la porta es dubèrta ! »
Entrez, entrez, braves gens, la porte est ouverte !
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