Oreilles attentives de Guyenne et Gascogne, bonjour. Je ne parle pas l’occitan et, quand bien même le parlerais-je quelque peu, je serais trahi par mon accent pointu qui a toujours fait la joie de mes amis et voisins parlant le patois. Il y a même eu un personnage qui voulut non pas corriger mon accent mais m’aider à prononcer d’une manière satisfaisante les r tels qu’ils sont prononcés dans la région. Il me disait : « Répète après moi, Pierre : les occitans roulent toutes les pierres de Pyrénées... » Et moi de répéter avec application cette phrase que me faisait dire Marceau Esquieu, marcèu esquieu en langue occitane.
On
ne présente plus Marceau Esquieu qui fut professeur de lettres
classiques et d’occitan à Villeneuve-sur-Lot, écrivain, poète,
conteur, homme de théâtre et de télévision ainsi que fondateur de
l’école occitane d’été. Mais alors, comment se fait-il que, à
la fin des années 60, un petit paysan ait pu rencontrer ce
personnage à la plume féconde et à l’accent enchanteur. Je vous
explique : il y avait dans ces années-là une opération qui
avait lieu au début des vacances d’août pour sensibiliser les
touristes venus du nord de la Loire aux charme des productions
Lot-et-Garonnaises. Cela s’appelait « Opération Sourire »
et consistait à se mettre sur la Nationale 21 dite « Paris-Barèges »
avec force panneaux et à arrêter ces touristes pour leur faire
déguster des pruneaux –
bien sûr ! - , des fruits et des vins locaux. Mais
comme les producteurs de fruits et les viticulteurs étaient en
pleine saison, c’étaient les éleveurs bovins qui jouaient le rôle
d’hôtesses d’accueil. Je vous dis pas : toute une journée
à faire le clampin sur la nationale à brandir des plateaux de
pruneaux ou à faire déguster les vins locaux, ça
occupe ! Ensuite, à
18 heures, on se dépêchait
de revenir à la grange pour tirer le lait et soigner les bêtes.
Puis on revenait faire la
fête sur un parking du côté de la côte de Laudie, avec des
grillades, du vin de Duras, assis sur des bottes de paille. Le lieu
était apprécié des connaisseurs, on y vit passer, parmi d’autres,
Mourousi en goguette avec son
cameraman et c’est ainsi que Marceau est venu partager le repas
avec nous.
Et donc, revenons à Marceau Esquieu et son œuvre. Je vais vous citer une histoire extraite d’un de ses ouvrages publié en 2004 à l’Institut d’Estudis Occitans « de cric a crac - obra contada » et elle s’intitule : « l’ausèl blau ». Je ne citerai que des passages en français dans le texte.
« Il est si bleu, cet oiseau bleu...si bleu… Les enfants seuls, qui ont la vue claire et le cœur pur, Regardez, regardez voler l’oiseau bleu, entre deux nuages, dans le ciel bleu ! Il chante si finement, si mélodieusement, si doucement chante l’oiseau bleu...qu’il faut s’arrêter presque de respirer pour entendre chanter l’oiseau bleu ! Toute son enfance, la fille jolie avait écouté chanter l’oiseau bleu. Il faut dire aussi qu’au pays, il est plus facile qu’ailleurs de voir passer l’oiseau bleu, dans un coin de ciel bleu, entre deux nuages… Il est plus facile au pays d’écouter les chansons de l’oiseau bleu ! Il suffit de faire silence et d’attendre, le cœur battant, que passe l’oiseau bleu. Comment ? Vous ne voyez rien ? Vous n’entendez rien ? Mais la fille jolie savait par cœur le passage de l’oiseau dans le ciel bleu, entre deux nuages. Elle en connaissait toutes les chansons. Elle avait poursuivi le cycle de ses études. Elle avait obtenu son Brevet, son BTS… Elle savait un peu d’anglais et d’allemand… La fille jolie se retrouva donc, après l’ANPE, le TUC, le SIVP, le FRAG… et quelques mois d’attente… la fille jolie se retrouva vendeuse dans un Supermarché. Vendeuse stagiaire au Département de l’Alimentation, rayon des fromages. Ici, vous ne serez pas dépaysée, cela vous rappellera l’air du pays ! Lui avait dit d’un air finaud le chef de rayon. Elle habitait loin, bien loin, quelque part en banlieue… haut, très haut, dans un studio, tout petit, tout gris… au neuvième étage d’une HLM…Là-haut, elle ouvrait toute grande sa fenêtre… pour chercher entre les grandes tours qui lui faisaient ombre, un coin de ciel bleu où passerait, où chanterait à son passage l’oiseau bleu. Et la fille jolie laissait nuit et jour sa croisée entrouverte... » Jusqu’au jour où… « E cric ! E crac ! Vaqui l’ausèl embarrat… e lo conte es acabat !...
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