– à l’époque, c’est vrai, qu’ils ne faisaient pas dans la dentelle. Mais ne croyez pas que c’est beaucoup mieux de nos jours. Les travailleurs sociaux savent emballer leur merde dans des bas de soie. Ils ont de beaux discours, pondent de jolis rapports mais ils font leurs trente-cinq heures et basta ! Comme je suis passé par là, j’ai fait partie d’une association qui s’occupe de gamins qui dépendent de la DDASS. Je ne dis pas que tous les éducateurs et toutes les assistantes sociales ne valent rien, il y en a bien une ou l’autre qui sortent du lot, mais dans l’ensemble vous pouvez tout mettre dans le même sac, du dirlo au dernier des sous-éducs. Et c’est les enfants qui trinquent. Mais je m’égare. Donc j’ai été balancé dans un centre à Rennes. Et là, je suis allé un peu à l’école mais comme j’étais devenu un adolescent assez voyou, ils ont décidé que je ferais un apprentissage chez un maçon. Le patron était le dernier des trous-du-cul, un sale type qui me faisait bosser comme une bête et qui me traitait comme un moins que rien. Un jour, je me suis révolté. Je l’ai poursuivi avec ma pelle et je lui aurais tapé dessus si un type ne m’avait pas arrêté. Ce type, c’était un électricien qui travaillait sur le même chantier. Quand j’ai plus eu ma pelle en main, mon patron a voulu se venger. Mais l’électricien l’a menacé, il lui a dit qu’il allait porter le pet, qu’il avait vu comment il agissait avec moi. Mon patron s’est calmé mais il m’a viré. L’électricien est allé trouver les services sociaux en proposant de me prendre en apprentissage. Ils ont tout d’abord refusé et là aussi, il leur a foutu la trouille en leur disant qu’il pourrait attirer l’attention sur eux. Ce gars-là a été mon maître d’apprentissage, mon patron et finalement un père adoptif et adopté. Denis, il s’appelait. Il m’a donné le goût d’apprendre, le désir et surtout les moyens d’avancer. Aujourd’hui, vous êtes en face de monsieur Trouvé Achille. Mais à l’époque, je n’étais que le petit Vindiou… qui savait tout juste lire et écrire et qui parlait comme je vous l’ai dit. Il y avait donc Mady, ma grande sœur, la première personne qui m’ait pris en considération. à la ferme des Veudenne, c’est moi qui sortais tout le fumier, des vaches, des cochons, des volailles. Mady, elle, elle aidait pour la cuisine et pour la soupe du chien et des cochons. Quand il y avait à glaner, à chercher des champignons ou des châtaignes, des glands, nous partions tous les deux dans les bois ou dans les champs. C’est comme cela qu’un jour nous sommes descendus jusqu’au bord de l’aber, on voulait voir la marée haute. Et on a entendu appeler, c’était une voix d’homme, un homme qui se débattait dans la marée qui montait et qui n’arrivait pas à se hisser sur la berge. Avec Mady, on a ramassé une perche, une branche d’arbre et on la lui a tendue. Il s’est agrippé et on l’a remonté tant bien que mal jusqu’à nous. Il était épuisé, trempé et blessé au bras. Après qu’il ait soufflé un peu, il a repris ses esprits, il s’est relevé et nous l’avons guidé en le soutenant jusqu’à la maison, au Bussiau. Les vieux étaient partis aux champs et en leur absence, nous avons mis du bois dans la cheminée et rallumé le feu. On lui a porté de l’eau pour laver sa blessure, il s’est séché et réchauffé. Quand les vieux sont arrivés, on se serait pris une belle engueulée si ce n’était pas lui qui avait pris la parole. C’était assez rigolo de le voir, en singlet et en caleçon, expliquer aux parents Veudenne ce qui s’était passé et qu’il nous devait la vie. Et qu’il allait les dédommager pour les inconvénients qu’il avait causés. Il s’est rhabillé et les vieux lui ont prêté un vélo. Ils lui ont indiqué comment rejoindre la route et la direction à prendre.
– Il est reparti en vélo ?
(à suivre...)
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