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jeudi 24 septembre 2015

Le cabot de Fortunio (64)

Il est sept heures et demie lorsque j’arrive chez Léon et j’ai la surprise de voir que l’atelier est ouvert, un gaffet’ en bleu balaie le sol. Il me semble en fait reconnaître Esther, la blondinette Seccotine avec sa queue de cheval. Appuyée sur son balai, elle me toise :
-          Il me semble vous avoir déjà vu, dit-elle avec le sourcil droit en accent circonflexe.
-          Je suis un ami de Léon, c’est moi qui ai laissé un message hier soir…
-          Ah oui, je vois. C’est vous qui avez l’habitude de téléphoner à pas d’heure ?
-          Oui et il m’est arrivé de me faire rembarrer par monsieur Hauler Léon en personne ! Mais je vous rassure, pas plus d’une fois par an…
-          D’après Hauler Léon, c’est déjà beaucoup. Il vous aime bien quand même mais là il va falloir attendre un peu, il a fini un tracteur à trois heures du matin et le propriétaire va venir le chercher. Il faudra attendre un peu que Léon se réveille…
-          Je sais qu’il a le réveil difficile mais j’ai apporté les croissants…
Un gonze, fringué agricole, arrive sur un cycle antique. Il pose le pied par terre et fait la bise à Esther. Ils parlent deux minutes puis le rural cul-terreux fixe sa bécane à l’arrière d’un solide John Deere quatre roues motrices. Il démarre, fait un demi-tour en souplesse devant l’atelier et s’en va en faisant un grand sourire.
-          Ça au moins c’est du tracteur qui braque, m’écrié-je, admiratif.
-          Hors de ma vue, morpion gluant, œil-de-bouillon-gras, radical-socialiste ! éructe une voix venue de la fenêtre de la chambre à coucher.
-          Ah non ! Pas ça ! Tout ce que tu veux mais pas radical-socialiste ! Non mais, j’ai ma fierté tout de même ! réponds-je avec vivacité.
-          Ah ah ah ah ah ! Le bel Albert, sacré Fortunio ! Tu as de la chance que ce soit le tracteur qui m’ait réveillé sinon je te flanquais dans la fosse à merde. T’as porté les croissants, j’espère ?
-          Ah oui ! Sinon je n’aurais pas osé me présenter devant vous, messire Léon !
-          Mes cirent les pompes, oui. Tu connais la maison, va préparer du café et ne drague pas ma chère et tendre. Le temps de passer là où le roi va à pied et j’arrive !
Esther me regarde en riant et me fait signe de la suivre. Je fais sortir Flèche puis nous allons directement dans la cuisine et mettons le petit déjeuner en route. Précédé par un fracas de chasse d’eau, Léon arrive. Il me balance une claque dans le dos à me décoller le péritoine dans un rire haulérique qui fait vibrer les carreaux de la cuisine. Nous nous assoyons autour de la table, je sers le café.
-          Toi, si t’es là c’est pour me demander quelque chose et pas pour me souhaiter mon anniversaire, je suppose…
-          Pourquoi, c’est aujourd’hui ton anniversaire ?
-          Justement non, c’est dans six mois, raison de plus. Allez, raconte !
-          C’est-à-dire que…
-          Je te préviens tout de suite, tu peux parler devant madame, elle peut tout entendre !
-          Oui, bon, je ne sais pas trop par où commencer…

-          Alors, arrête tout de suite, ça sera plus simple. Quoique… maintenant tu as éveillé ma curiosité à force de tergiverser.
(à suivre...)

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