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jeudi 19 novembre 2015

Le cabot de Fortunio (72)

V. …et tu verras passer le corps de ton ennemi.
Le lendemain matin, après une bonne nuit de sommeil, pas question de partir vagabonder à Toulouse. D’abord, le chantier. Puis les chantiers : à savoir que le boulot, même si on est patron et qu’on a des ouvriers, ça roule pas tout seul. Il y a des approvisionnements à faire, des problèmes à régler, des clients à aller voir. Ce qui me prend pratiquement toute la journée. C’est vers cinq heures que je peux me dégager pour aller voir le tonton Bonnefoi. Je laisse Flèche garder la maison.
Encore deux heures de route, c’est fou ce que je circule en ce moment. Il est dix-neuf heures quand je me gare rue Caratinières. Le bistro-restau est ouvert, j’entre. Le tonton ne me reconnaît pas, normal, je suis propre aujourd’hui. Alors que la seule fois où on s’est vus, je sortais d’une cave sordide.
Une fois que je me suis présenté, le bonhomme me flanque une accolade virile, c’est pas un pied-noir pour rien. Il appelle sa femme qui se met à pleurer en apprenant qui je suis. Gheusy et François sont passés par là et m’ont décrit comme un héros, un sauveur. De plus, pour eux, je suis déjà de la famille, mon fils. Après toutes ces émotions, on me propose de me mettre à table avec eux, dans la salle, ils allaient manger et le soir, tout est calme. Je m’en voudrais de refuser et nous passons à table. Une assiette de charcuterie, du pain de boulanger, et ensuite des huitres de montagne. Pour ceux qui connaissent, c’est un plat roboratif et goûteux. Ensuite, un coulant baraqué, le tout accompagné d’une bonne carafe de Fronton. Tout en mangeant, je donne des nouvelles d’Eliane et notre discussion rassérène la tante et lui redonne espoir. Elle me propose de rester coucher chez eux, il y a la chambre dite d’Eliane, une minuscule chambrette mansardée. Comme dit la tante : « T’es un peu comme chez toi, ici, mon grand. Faut que tu récupère et tu vas pas faire toute cette route alors que tu dépasses le taux d’alcoolémie. Antonin te réveillera demain matin, il se lève à cinq heures au plus tard. » Là-dessus, elle nous laisse pour aller se coucher. Nous sommes toujours à table avec le tonton, on finit la carafe de vin. Le dernier client s’en va et je juge le moment opportun pour attaquer :
-          Monsieur Bonnefoi, j’ai besoin de vous, vous pouvez m’aider.
-          Attends, mon fils, répond celui-ci, je veux bien t’écouter mais tu me dis tu et tu m’appelles Tonin, sinon ça passera pas. Dis-moi de quoi t’as besoin.
-          Tonin, reprends-je, je sais que tu as un flingue et j’en ai besoin parce que je compte chercher – et surtout trouver – les gars qui ont tiré sur Eliane. Et ces gars, c’est pas le genre à aller voir avec un bouquet de fleurs si tu vois ce que je veux dire…
-          Fils, tu m’emmerdes. Je sais pas quoi te dire, j’aurais dû me débarrasser de cette arme mais, bon, j’étais venu avec depuis l’Algérie. C’est Eliane qui t’en a parlé ?
-          Oui, c’est bien elle.
-          Ouais, j’aurais pas dû te laisser comprendre que je l’ai encore. Tu sais que je détiens ce flingue sans autorisation ?

-          Je le supposais et c’est tant mieux car c’est comme si cette arme n’appartenait à personne, si tu vois ce que je pense, encore une fois… Je vais être clair : j’ai besoin de cette arme pour me défendre, bien sûr, mais ces mecs ne seront jamais jugés, ils ont commis leur forfait au Gondo et je commence à subodorer qu’ils sont plus ou moins revenus ici en France. Le gouvernement gondolais est bien content d’en être débarrassé et la justice française a peu de chances de pouvoir les coincer.
(à suivre...)

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