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dimanche 14 février 2016

Chroniques de Serres et d’ailleurs. (21)



Exegi monumentum aere perennius. Le poète Horace déclare au début d’une de ses odes qu’il a bâti un monument plus durable que l’airain… belle et juste image.
N’est pas Horace qui veut. De même, Victor Hugo voulait être Chateaubriand ou rien. Il a fait mieux, il est devenu Victor Hugo.
Mais pour le quidam ordinaire, comme vous et moi dirais-je, comment passer à la postérité ? Cela présente quelques difficultés car des quidams ordinaires, il y en a une multitude plus x, pour parler mathématiquement. Cela fait beaucoup de monde pour une postérité certes nombreuse mais qui devient de plus en plus oublieuse du passé, à juste raison. En effet, on aura tant parlé des leçons du passé et du devoir de mémoire  que, les vacances venues, nos descendants les mettront au feu avec les cahiers et le personnel enseignant.
Dans cet océan d’oubli, que nous reste-t-il donc pour laisser une trace de notre passage ? Nous négligerons les tags et les graffiti laissés çà et là, les parutions dans les journaux et magazines, éphémères et trop brefs messages pour nous satisfaire. Il y a mieux.
Quand il y a un problème, la poste a toujours une solution. Ne dit-on pas : «  passer comme une lettre à la poste ? ». Cette expression résume bien toute la capacité de cette administration à répondre à toutes nos questions.
C‘est par le plus heureux des hasards que j’ai découvert que la poste peut prendre soin de ceux qui veulent faire savoir à la postérité qu’ils n’ont rien à dire mais qui l’écrivent.
En effet, j’ai fait partir il y a quelques années un manuscrit que les éditeurs refusaient régulièrement de publier. J’expédiais mes feuillets dans des enveloppes dites prépayées et en envoi suivi. Tout allait bien, je constatais que mon courrier atteignait son destinataire et quelques mois après je recevais un refus bref mais courtois. Jusqu’au jour où, scrutant sur mon écran le suivi de mon dernier envoi chez un éditeur de renom, je ne vis pas que celui-ci ait été présenté. Je suis patient, vous l’avez certainement remarqué, et je continuai jour après jour à scruter mon écran tel Robinson l’horizon. Plus d’un mois se passe et je m’adresse par écrit à l’administration compétente qui, après bien des atermoiements, a envoyé un jeune agent à la recherche de mon envoi. Celui-ci a aussi disparu. Cela a fait sortir des délégués syndicaux de leur torpeur. Des comités techniques et des commissions spécialisées se sont réunies et sont programmées sur de nombreux semestres. Des experts ont été nommés, un médiateur sera désigné et des procès-verbaux seront affichés. A la poste, peu de choses se créent et peu se perdent. Encore moins un agent, surtout spécialisé. Celui-ci devrait réapparaître au bout du nombre de trimestres voulu pour qu’il puisse prétendre à une retraite au taux plein et, s’il émerge en portant mon enveloppe sous le bras, mon manuscrit aura déjà gagné près de quarante années sur ce que l’on appelle la postérité. S’il revient les mains vides, j’ai confiance, la poste enverra un autre de ses préposés et cela sera autant de gagné encore.
On voit par-là que passer à la postérité n’est qu’une question de temps.

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