Exegi monumentum
aere perennius. Le poète Horace déclare au début d’une de ses odes qu’il a bâti
un monument plus durable que l’airain… belle et juste image.
N’est pas Horace qui
veut. De même, Victor Hugo voulait être Chateaubriand ou rien. Il a fait mieux,
il est devenu Victor Hugo.
Mais pour le quidam
ordinaire, comme vous et moi dirais-je, comment passer à la postérité ?
Cela présente quelques difficultés car des quidams ordinaires, il y en a une
multitude plus x, pour parler mathématiquement. Cela fait beaucoup de
monde pour une postérité certes nombreuse mais qui devient de plus en plus
oublieuse du passé, à juste raison. En effet, on aura tant parlé des leçons du
passé et du devoir de mémoire que, les
vacances venues, nos descendants les mettront au feu avec les cahiers et le personnel
enseignant.
Dans cet océan d’oubli,
que nous reste-t-il donc pour laisser une trace de notre passage ? Nous
négligerons les tags et les graffiti laissés çà et là, les parutions dans les
journaux et magazines, éphémères et trop brefs messages pour nous satisfaire.
Il y a mieux.
Quand il y a un problème,
la poste a toujours une solution. Ne dit-on pas : « passer
comme une lettre à la poste ? ». Cette expression résume bien
toute la capacité de cette administration à répondre à toutes nos questions.
C‘est par le plus heureux
des hasards que j’ai découvert que la poste peut prendre soin de ceux qui
veulent faire savoir à la postérité qu’ils n’ont rien à dire mais qui
l’écrivent.
En effet, j’ai fait
partir il y a quelques années un manuscrit que les éditeurs refusaient
régulièrement de publier. J’expédiais mes feuillets dans des enveloppes dites
prépayées et en envoi suivi. Tout allait bien, je constatais que mon courrier
atteignait son destinataire et quelques mois après je recevais un refus bref
mais courtois. Jusqu’au jour où, scrutant sur mon écran le suivi de mon dernier
envoi chez un éditeur de renom, je ne vis pas que celui-ci ait été présenté. Je
suis patient, vous l’avez certainement remarqué, et je continuai jour après
jour à scruter mon écran tel Robinson l’horizon. Plus d’un mois se passe et je
m’adresse par écrit à l’administration compétente qui, après bien des
atermoiements, a envoyé un jeune agent à la recherche de mon envoi. Celui-ci a
aussi disparu. Cela a fait sortir des délégués syndicaux de leur torpeur. Des
comités techniques et des commissions spécialisées se sont réunies et sont
programmées sur de nombreux semestres. Des experts ont été nommés, un médiateur
sera désigné et des procès-verbaux seront affichés. A la poste, peu de choses
se créent et peu se perdent. Encore moins un agent, surtout spécialisé.
Celui-ci devrait réapparaître au bout du nombre de trimestres voulu pour qu’il
puisse prétendre à une retraite au taux plein et, s’il émerge en portant mon
enveloppe sous le bras, mon manuscrit aura déjà gagné près de quarante années
sur ce que l’on appelle la postérité. S’il revient les mains vides, j’ai
confiance, la poste enverra un autre de ses préposés et cela sera autant de
gagné encore.
On voit par-là que passer
à la postérité n’est qu’une question de temps.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire