Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. De nos jours, seul ce qui est authentique peut prétendre à l’authenticité. Cela peut paraître évident mais cela ne fait nul doute. Car, si au vingtième siècle l’on créait des choses admirables, au vingt-et-unième elles ne le sont pas moins et de surcroît elles peuvent être authentiques ou en tout cas qualifiées comme telles. Bien sûr, il n’est pas question en cela d’actes authentiques passés devant notaire mais de choses que l’on ne peut considérer comme apocryphes, qui ne peuvent être entendues que comme avérées, indiscutables et indéniables, ni altérées ni dénaturées. On nous propose de l’authentique à tour de bras, des mondes authentiques, des français authentiquement nationaux et même des crèches authentiques, certifiées pur dieu par les vrais rois mages.
Même un ex-président futur candidat, pris
par l’impérieuse nécessité de publier un livre, se prête à un authentique
inventaire de son passage en tant que locataire de l’Elysée. Et, comme le dit
si bien le Figaro du 22 janvier à propos de ce livre : « il montre un
homme déterminé à ne pas se laisser voler l’expression de son
authenticité ». Voilà qui est splendide et ce journal reste ce qu’il est,
on pourrait même lui proposer cette phrase en exergue : « Sans la
liberté de blâmer les pauvres, il n’est point d’éloge flatteur pour les
riches ». Cela ressemblerait à du Beaumarchais de comptoir.
En fait, cet homme se met à confesser ses
erreurs et ce mea culpa fait tomber d’étonnement ses thuriféraires : c’est
que ces derniers prenaient les dites erreurs pour l’expression d’un caractère
pur, entier et pour tout dire authentique. Eh bien voilà que non, le petit
homme a ouvert ses grandes esgourdes et capté la rumeur du peuple : le casse-toi et le yacht de Bolloré sont
bien une bêtise pour l’un et une erreur de jugement pour l’autre. En effet,
traiter quelqu’un de con c’est une insulte, le traiter de pauvre, c’est de la
statistique. En conséquence, la prochaine fois, il montera sur le yacht de monsieur
B. et le traitera de riche nigaud. Voilà qui a tout de même plus d’allure et
qui est socialement plus acceptable.
Mais ce qui est plus intéressant c’est
quand il dit que les socialistes veulent moins de riches et lui moins de
pauvres et que ces deux logiques sont irréconciliables. En fait, les uns comme
les autres ne cherchent ni à tuer les riches ni à exterminer les pauvres :
ce qu’ils souhaitent c’est seulement qu’ils soient moins visibles. C’est bien
là que se situait l’erreur de notre ex-futur candidat-président, il a désigné
les pauvres en les traitants de cons et les riches en se faisant mener en
bateau par son ami B. Mais qu’est-ce qu’un pauvre, en fait ? On peut
difficilement reconnaître le pauvre au fait qu’il se plaint car le vrai pauvre,
n’ayant rien ou pas grand-chose à perdre, se plaint toujours moins que le faux
pauvre, celui qui a de l’argent et des biens et qui craint toujours qu’on les
lui prenne. Peut-on se fier à notre ex-futur-président-candidat pour identifier
d’authentiques pauvres ? Je crois qu’il s’y connaît plus en authentiques
riches et il est hasardeux de penser que nos socialistes gouvernementaux soient
plus compétents pour déceler les véritables pauvres. Donc, le plus simple
serait encore de cacher les pauvres chez les riches et inversement. Comme il y
a moins de riches que de pauvres, tout paraîtrait mieux mais cela manquerait un
peu d’authenticité. On ne peut tout de même pas avoir le beurre, l’argent des
riches et le sourire de madame Lagarde.
On voit par-là que l’authenticité ne va
pas de soi.
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