L’hôtel étant en face d’un parc, nous faisons une autre promenade avant
de rentrer. C’est bien, un hôtel-bar-restaurant, on peut boire un dernier godet
avant de se pieuter.
-
Bon, me dit René attablé devant un
bloody mary[1]
qu’il assaisonne généreusement en tabasco, quelle est la suite du
programme ?
-
Bien, réponds-je en levant mon white lady[2]
pour trinquer, trinquons d’abord !
-
Cheers !
-
Donc, reprends-je après avoir
dégusté une gorgée, la suite des opérations : demain matin, je vais voir
Eliane au Val-de-Grâce, je veux avoir de ses nouvelles, il devrait quand même y
avoir du neuf, les toubibs ont dû se réunir, faut que je sache quelque chose…
-
D’accord mon pote mais il y a tout
de même un truc qui me chipote, c’est de se balader comme ça avec des
arquebuses. Pas simple de les laisser dans la bagnole, pas prudent de se
balader avec, pas judicieux de les laisser dans une chambre d’hôtel. La
meilleure solution serait encore une consigne automatique, il y en a de nouveau
dans les grandes gares. Ou alors, si tu connais quelqu’un de confiance…
-
Quelqu’un de confiance à qui tu
vas dire je te laisse mon artillerie pendant que je vais à l’hosto, ça se
trouve pas comme ça, mon pote !
-
Je sais, mais quelqu’un de
confiance à qui tu demandes de garder une valise soigneusement bouclée, ça peut
exister, non ?
-
Ici à Paris, je connais personne,
absolument personne… attends voir, tout compte fait !, dis-je en me
mettant à chantonner : « Mais dans
la rue Geoffroy Saint-Hilaire, tirelilonlaire, tirelilonlaire, je n’y connais
personne, absolument personne… »
-
Excellente cette white lady mais je crains qu’elle ne te
monte à la tête, mon cher Fortunio, dit René en prenant une pose avantageuse.
-
Rien du tout, mon pote La-Science,
je viens de me rappeler… je sais pas si j’ai son adresse… attends...
Je fouille dans mon baise-en-ville et j’en sors une carte de visite, la
carte que m’avait refilée Estelle, mon étoile filante périgourdine. J’avais
passé sous silence notre furtive relation bergeracoise et j’en fais un bref
compte-rendu pour que René comprenne de quoi il retourne. Il se dispense de
commentaire mais pas d’un subtil ricanement. J’appelle.
-
Je suis bien chez Estelle Guyaume ?
-
Ouiii, à qui ai-je
l’honneur ?
-
Je ne sais pas si vous vous
souvenez de moi, nous nous sommes rencontrés à Bergerac pour le vernissage de
l’exposition de Martine Grebier.
-
Ouiii, il y avait beaucoup de
monde ce soir-là…
-
J’ai dû m’éclipser assez
rapidement mais vous m’aviez laissé votre carte. Au cas où…
-
Le plombier ! Ne me dis pas
que tu es à Paris !
-
Si, justement, enfin, je suis à
Gentilly…
-
J’ai essayé toute la journée
d’avoir un plombier, mon évier est bouché, viens tout de suite, je
t’attends !
-
C’est que… je suis avec un ami…
-
Je m’en fous, je compte sur toi
dans moins d’une demi-heure, c’est le ciel qui t’envoie. Tu as mon adresse,
c’est au cinquième, le nom c’est pas Guyaume mais Pertelfisse.
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