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jeudi 17 mars 2016

Le cabot de Fortunio (89)



-          Soit il est en train de couler une bielle, soit il nous a repérés et il cherche à voir si on le suit. Je ne pense pas qu’il ralentisse à cause d’un radar, ça doit pas être son genre, dit-il les dents serrées.
L’autre reprend sa cadence infernale et René doit sortir d’un groupe de bagnoles pour ne pas le perdre. A la hauteur de Ballainvilliers, il accélère encore puis ralentit une nouvelle fois brutalement, René manque se retrouver à la hauteur de la Golf qui ralentit encore et, d’un coup, prend une sortie. Il a ralenti mais il roule encore à plus de cent, cent-vingt peut-être. René s’est fait avoir mais le gonze a de la ressource. On avait pris de la distance sur les autres voitures et il peut ralentir fortement. Il nous fait un tête à queue d’anthologie et il a le temps de remonter jusqu’à la sortie. Juste à temps car les bagnoles nous arrivent dessus en klaxonnant. On est dans le bon mais j’ai eu le trouillomètre à zéro et le cœur à deux-cent-cinquante. René est toujours concentré, je ne sais pas où il a appris à faire ce genre de cascade. On descend vers un centre commercial, René ralentit subitement, il vient d’apercevoir la Golf dans les pâquerettes, capot fumant, toit enfoncé et le côté chiffonné grave. Il s’arrête et fonce vers la bagnole. Le pare-brise est complètement étoilé mais tient bon. René essaye d’ouvrir les portières, nada. Le temps que j’arrive moi aussi sur place, il a balancé une pierre dans la fenêtre du passager. Elle éclate en mille morceaux. Il plonge le bras dans la chignole et en ressort la mallette et un téléphone portable.
-          Le mec est au minimum groggy, on se taille, on a la mallette, c’est pas rien, dit-il en me chopant par le bras.
-          La mallette, je m’en branle, dis-je en armant le flingue récupéré dans l’impasse. C’est le mec qu’il me faut…
-          Déconne pas, on se barre avant qu’une autre bagnole arrive, on…
-          Je te dis qu’il me le faut, dis-je en me dégageant et en faisant le tour de la caisse.
-          Arrête, connard, t’es pas un tueur, fais pas cette connerie, crie René.
Je suis de l’autre côté, le Latik est de l’autre côté de la glace que j’éclate d’un coup de crosse. Il a l’air en effet dans le coltard, un peu de sang lui coule du nez. Ça me fait, ça me fait je sais pas quoi de tirer sur ce mec qui a l’air totalement inoffensif mais, sur une poussée d’adrénaline, je pointe le flingue dans sa direction… Il se passe un truc, c’est comme une voix qui me dit « Ne le tue pas… », ce n’est pas un ordre, c’est plus que cela… c’est comme ça et pas autrement me dit cette voix qui me vient de dedans et de dehors. Je baisse le flingue. Dans un état second, je cours vers René qui me propulse d’une bourrade dans notre nippone. Il redémarre.
-          Tu vas prendre ce portable et appeler les services d’urgence. Vite, me dit-il.
-          Et je dis quoi, réponds-je benêtement.
-          Démerde-toi, tu leurs dis qu’il y a eu un accident sur la bretelle de sortie vers Ballainvilliers, tu fais en sorte qu’ils aient bien compris mais tu ne restes pas une plombe au bout du fil…
Je fais comme il a dit, j’appelle le 112. J’indique le mieux possible le lieu de l’accident et quand on me demande mon nom et de rester sur place, je raccroche.
(à suivre...) 

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