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jeudi 24 mars 2016

Le cabot de Fortunio (90)


-          C’est bien comme ça, me dit René. Tu essuies soigneusement cet appareil, tu fais de même pour le flingue et on va balancer tout ça à la flotte. On revient sur la 20, on file sur Paris en essayant de pas se faire remarquer, à savoir en respectant les limitations de vitesse, on va récupérer les flingues chez madame Josette, les fringues à l’hôtel et on repart direction chez Fortunio…
-          Ah non, on avait dit qu’on allait voir Eliane, coupé-je.
-          On avait dit… on avait dit qu’on restait ensemble ! Désolé, mon pote mais on traîne pas dans le coin. Un seul de nous deux ira récupérer nos fringues dans nos chambres. Et en essayant de la jouer discrète. On a la carte, pas besoin de la rendre et tu vas faire ça ni vu ni connu, l’air du monsieur qui a besoin de changer de calbute dans la journée. On s’en fout, tu as payé et en espèces. Donc et ensuite, un tour rapide pour récupérer la valoche avec les calibres, cette fois tu ne nous joues pas ton numéro de déboucheur en tous genres et hop, on revient aux pénates et le plus vite possible. S’il se sait qu’on est dans la région en même temps que le binz qui vient de se passer, ça pourrait paraître louche. Bon, cela dit, essaye de jeter un coup d’œil dans la valoche, histoire de voir si notre Edkès n’a pas trop dépensé en cours de route
Bien sûr, la valise est fermée à clé ? Nous décidons de surseoir à l’ouverture. Il est près de midi et la circulation se densifie, René ralentit et se décontracte.
-          Mon pote, je me demande si tu étais au top aujourd’hui, me dit-il. Sans Flèche et sans moi, je crois que la matinée aurait été courte…
-          Je me disais aussi, rien de tel qu’un pote et un chien… Ouais, t’as raison et je ne comprends pas ce qui m’est arrivé quand j’ai braqué le gonze… comment dire ? Toi, t’aurais pas pu m’empêcher de le flinguer, cette ordure. Mais cette voix en moi, ouais comment dire ?...
-          La voix de ta conscience, mon z’ami !
-          Tu déconnes ! Non, comme si c’était la voix d’Eliane qui me remontait en moi, c’est vraiment étrange…
-          Quoiqu’il en soit, le résultat est là, tu l’as pas flingué. On n’est pas des tueurs, nous autres. Tu sais, ou plutôt tu sais pas, mais à l’armée j’ai fait du tir de précision. Eh ben, je vais te dire que je me serais jamais vu flinguer une cible vivante. Ou alors il aurait fallu des circonstances graves, tu vois, mais encore. J’y ai assez réfléchi, à l’époque, et c’est pour ça que je n’aurais pas supporté que tu flingues ce mec sans défense. Je ne sais pas s’il va s’en sortir – et je ne le souhaite franchement pas – mais je suis content qu’il soit allé se planter tout seul et que tu ne lui aies pas tiré dessus. Bon, on va pas se refaire les dix commandements. Je suis comme ça et toi aussi. Si t’avais tiré, tu te le serais intimement reproché tout le temps qu’il te resterait à vivre.
-          Amen.
(à suivre...)

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