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jeudi 28 septembre 2017

René-la-Science (69)



Je me mis à raconter le travail que j’avais fait le matin. Puis je racontai que Roger Fauchet était venu me trouver pour me faire mettre les pouces sur le chantier du château. La mère et le beau-père de Michel n’y comprenaient pas grand-chose, mais je vis que Magali était un peu gênée aux entournures de m’entendre parler de cela devant les autres, d’autant plus qu’Emeline ne put s’empêcher d’intervenir :
— Ça ne m’étonne pas, ces Fauchet, c’est tout magouille et compagnie. Le pauvre Gaby, il ne les aimait pas ceux-là, surtout le Siméon. C’est vrai qu’ils se connaissaient de longtemps et ils s’étaient fait des sales coups dans leur jeunesse. Et puis, ces Fauchet, c’est que des arrivistes !
— Ah bon, il vous en a beaucoup parlé, Gaby ? Dis-je pour remettre un franc dans le bourrin, histoire de tracasser Magali.
— Oh non. Il n’était pas bien causant à ce sujet-là, il en parlait parfois, mais pas plus que cela.
— Et ces sales coups, cela remontait à loin ou c’était récent ?
— Oh, c’est vieux tout cela, et puis je ne sais rien de précis, vous savez, ici à la campagne, quand ils ne s’aiment pas, ils ne savent pas toujours pourquoi, c’est comme cela et puis c’est tout.
— Bien, bien, dis-je, je demandais comme cela, je ne le connaissais pas ce Roger Fauchet, mais il n’y a rien à dire, il a été poli et correct, on s’est mis d’accord. Vous savez, dans le bâtiment, il faut savoir s’entendre. Ça ne sert à rien de se marcher sur les pieds. Mais votre défunt mari, Gaby, s’il ne s’entendait pas avec le père de Roger Fauchet, je suppose que Michel et Roger, les fils, n’étaient pas des ennemis…
— Ne croyez pas cela, monsieur. Gaby, quand il avait quelque chose là, dit-elle en se montrant le front du doigt, il ne l’avait pas ailleurs. Et ce qu’il avait là, il l’a transmis à son fils. De toute façon, Gaby ne voulait pas que Michel se lie trop avec des copains. Et s’il avait été copain avec un Roger Fauchet, je crois que cela aurait bardé.
— Donc ils se connaissaient quand même. Je dis cela comme ça, c’est parce que Roger Fauchet m’a demandé des nouvelles de Michel, il nous avait vus ensemble, je suppose, je ne vois pas comment il aurait pu savoir autrement qu’on se connaissait. Il a l’air de s’intéresser à lui.
-          Eh bien, comme quoi tout arrive, conclut la veuve de Gaby.
Là, j’avais délibérément menti, Roger ne m’avait pas parlé de Michel, il ne m’avait parlé que du chantier, mais j’avais encore balancé cela au flair, pour faire réagir Magali. Mais celle-ci s’affairait dans la cuisine en ne laissant rien paraître, mais j’aurais juré qu’elle écoutait soigneusement ce que je disais.
— Bien, dis-je, je vais retourner chez mes amis. Mais j’ai fini mon petit chantier au château, donc je vais incessamment repartir pour le Lot et Garonne. J’aimerais que vous me teniez au courant de l’état de Michel, tant que possible. Je vais laisser mon numéro de portable, il vaut mieux que ce soit vous qui appeliez quand il y aura du nouveau, je ne voudrais pas appeler à tout bout de champ.
— Magali, tu prends son numéro, il vaut mieux que ce soit toi qui appelles, dit la mère de Michel.
— Oui, mais tu comptes repartir rapidement ? Parce qu’eux vont repartir demain matin pour Rodez et je voulais te demander si tu pouvais me conduire demain à l’hôpital, avec la voiture de Michel bien sûr.
— Le problème n’est pas la voiture, mais je devrais déjà être de retour chez moi, dis-je. Il faut que je réfléchisse. Je passerai te voir demain matin, le plus tôt possible et on verra, je ne peux rien te promettre.
Un pli d’inquiétude, peut-être de tristesse, barra son front. J’aurais aimé savoir exactement ce qu’elle avait en tête, j’en saurais un peu plus demain. Je terminai mon bol de bouillon et me levai. Je dis au revoir à la mère et au beau-père de Michel. La gamine, elle, voulut m’accompagner au fourgon et me dire au revoir dehors. Magali et elle m’accompagnèrent. Je dis au revoir à la gamine et tendis la main à Magali.
— On ne se fait plus la bise, maintenant ? Me dit-elle.
— Excuse-moi, mais il s’est passé tant de choses…
— Moi aussi une bise, me dit la gamine.
Je me baissai vers elle et lui mets deux bises. J’en fis autant pour Magali qui me prit par l’épaule.
— Ne m’oublie pas, me dit-elle en me serrant l’épaule.
— Tu sais bien que non. Et puis, je t’ai promis de venir demain matin. J’essayerai de venir assez tôt, comme aujourd’hui.
— Tu porteras encore des croissants ? Demanda la petite.
— Si je peux, oui, lui répondis-je.
— Parce que j’aime bien les chocolatines aussi, dit-elle.
Ce qui eut pour effet de me faire éclater de rire.
— Tu fais bien d’en parler, j’y penserai, c’est quoi ton petit nom ? Dis-je en lui passant une main sur les cheveux.
— Moi c’est Aline. Et toi, il paraît que c’est Fortunio ? C’est un drôle de nom, mais c’est joli.
— On peut m’appeler Fortunio, ou Albert, comme tu voudras. Allons, j’y vais. A demain Aline.
— A demain Magali.
— A demain, répondirent-elles en chœur.
Et je repartis en direction du Blédard où était censé m’attendre un apéro.

— Alors, heureuse… ? Me dit René lorsque j’arrive.
— De qui tu parles ? Lui rétorqué-je.
— De toi, de Magali, que sais-je moi ?
— Bien, tu m’as parlé d’un apéro, on y va ? Je suis allé chez Michel, enfin maintenant je dirais plutôt chez Magali. Ils étaient de retour de Toulouse. Pour Michel, état stationnaire. J’ai eu droit à un bol de bouillon et je suis ici maintenant.
— Tu as un complément d’info sur Matagali-Hari ?
— Rien, elle voudrait que je l’amène à Toulouse demain. Je lui ai dit que j’allais y réfléchir. Je crois que je  vais y aller, dis-je.
— Si tu veux ma voiture, je te la prête, si tu me laisses ton fourgon pour aller au boulot.
— Non, je vais y aller avec mon fourgon. Mais je te laisse les pièces qui sont dans ma caisse à outil. Ok ?
— Ok, mets-moi cela dans ce sac, dit-il en me tendant un sac en toile. Je vais planquer cela avec le brelica.
— Monsieur lit des polars, il parle en verlan, dis-je.
— Oui, mais c’est bon, on arrête de parler de cela. Je te montre où je le planque puis on va boire l’apéro.
René avait une splendide cachette au fond d’une armoire à outils qui, de surcroît, fermait à clef. Il me montra où il planquait la clef et nous revînmes dans la maison. Il n’était plus question de parler de nos petites affaires devant Colette et nous nous prîmes deux anis espagnols dont René a le secret : « seco sur de la glace pilée ».
Après le repas, René m’accompagna comme d’habitude jusqu’au Blédard et cette fois Colette nous suivit. Une fois qu’ils furent repartis, je montai me coucher.
(à suivre...)

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