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dimanche 1 octobre 2017

Chroniques de Serres et d'ailleurs III (3)




Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Volem viure al païs. Ainsi parlait Sara Toussetra, buraliste, marchande de journaux et de divers lotobingos. Par cette expression que je traduirais par « nous voulons vivre au pays », elle exprimait sa volonté de pouvoir vivre de son travail dans son pays.
Cette phrase avait été popularisée dans les années 70 particulièrement par le mouvement Lutte Occitane et, avec le slogan « Gardarem lo Larzac » -nous garderons le Larzac-, elle fit florès sur nombre d’affiches. A ce propos, je citerai le livre de Solveig Letort « Le Larzac s’affiche », publié au Seuil en 2011, préfacé par Stéphane Hessel que l’on ne présente plus, et avec un avant-propos de Louis Joinet, magistrat puis conseiller ministériel qui régla en 1981 la question foncière du Larzac après l’abandon du projet d’extension du camp militaire. Son avant-propos s’intitule : « Le droit au service de la non-violence et de la légalité future ». Tout un programme pour l’histoire d’une lutte qui a duré dix ans et dont les conséquences vivent encore aujourd’hui. Ce livre m’a passionné car il montre à quel point cette lutte pour la terre a suscité une floraison d’affiches d’une inventivité et d’une force incroyable, la force de la non-violence et de la résistance morale. Tout cela avec des moyens financiers légers et une simplicité graphique impressionnante. Le livre présente toutes ces affiches avec  cette sobriété juste qui permet aux plus âgés de revivre leurs souvenirs et aux plus jeunes de connaître l’histoire de cette lutte par l’intérieur. L’avant-propos de Louis Joinet situe les faits puis les images se suffisent à elles-mêmes, éclairées par un bref commentaire. Ce livre est à mettre dans toute bonne bibliothèque, il permet, sans fioritures, d’aiguiser une conscience politique.

Mais revenons au propos de madame Toussetra qui, lui aussi, est d’une grande simplicité. En effet et de nos jours, nos administrations et nos élus ne se contentent pas de phrases aussi courtes quoique tellement chargées de sens. Je lisais l’autre jour dans quelque journal mensuel de quelque conseil départemental qu’il fallait « faire vivre les territoires avec les acteurs du territoire ». Voilà une phrase un peu plus longue mais bien dépourvue de sens pour peu qu’on y réfléchisse. Bien sûr, il est toujours agréable de se sentir pris pour un acteur du territoire et il est doux de penser que mon pays, ma région et mon village sont un de ces territoires sur lesquels règnent nos hauts fonctionnaires et nos pénétrants élus mais une fois cette douceur passée, il reste un goût amer d’un mets indigeste qui ne nourrit pas son homme. Il est inutile de dire dans quel journal de quel conseil cela fut écrit car la langue qu’ils utilisent est la même aux six coins de l’hexagone et quand ils utilisent le parler croquant, c’est toujours en tant qu’alibi folklorique. Les croquants sont à peine des acteurs pour ces gens qui nous gouvernent.
Et, tant qu’à parler de mots, il y en a un qui fait partie de la langue des cadres, qu’ils soient inférieurs ou supérieurs : le mot job. Ah que ce mot est prisé dans les classes bien pensantes ! Car dire que l’on travaille, c’est bon pour les petits. Les grands, eux, ont un job. Ils ne s’abaissent pas à travailler, ils font du business. Un étudiant de bon niveau vous dira qu’il fait un job d’été pour se dédouaner de devoir un peu mettre les mains dans le cambouis. Mais regardez bien autour de vous : quel ouvrier va vous dire « ah, j’avais un bon job mais je viens d’être recruté par un chasseur de mains qui va me pousser plus haut dans le bizness de la brouette ! » Non, un paysan ne vous dira pas non plus qu’il a un job agricole. Qu’il produise des choux, du lait ou des pois chiches, il fait son boulot et n’a pas besoin de le dire en anglo-saxon.
On voit par-là que les mots et les images n’ont que le sens qu’on y met.

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