Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour.
Volem viure al païs. Ainsi parlait Sara Toussetra, buraliste, marchande de
journaux et de divers lotobingos. Par cette expression que je traduirais par
« nous voulons vivre au pays », elle exprimait sa volonté de pouvoir
vivre de son travail dans son pays.
Cette phrase avait été popularisée dans les
années 70 particulièrement par le mouvement Lutte Occitane et, avec le slogan
« Gardarem lo Larzac » -nous garderons le Larzac-, elle fit florès
sur nombre d’affiches. A ce propos, je citerai le livre de Solveig Letort
« Le Larzac s’affiche », publié au Seuil en 2011, préfacé par
Stéphane Hessel que l’on ne présente plus, et avec un avant-propos de Louis
Joinet, magistrat puis conseiller ministériel qui régla en 1981 la question
foncière du Larzac après l’abandon du projet d’extension du camp militaire. Son
avant-propos s’intitule : « Le droit au service de la non-violence et
de la légalité future ». Tout un programme pour l’histoire d’une lutte qui
a duré dix ans et dont les conséquences vivent encore aujourd’hui. Ce livre m’a
passionné car il montre à quel point cette lutte pour la terre a suscité une
floraison d’affiches d’une inventivité et d’une force incroyable, la force de
la non-violence et de la résistance morale. Tout cela avec des moyens
financiers légers et une simplicité graphique impressionnante. Le livre présente
toutes ces affiches avec cette sobriété
juste qui permet aux plus âgés de revivre leurs souvenirs et aux plus jeunes de
connaître l’histoire de cette lutte par l’intérieur. L’avant-propos de Louis
Joinet situe les faits puis les images se suffisent à elles-mêmes, éclairées
par un bref commentaire. Ce livre est à mettre dans toute bonne bibliothèque,
il permet, sans fioritures, d’aiguiser une conscience politique.
Mais revenons au propos de madame Toussetra
qui, lui aussi, est d’une grande simplicité. En effet et de nos jours, nos administrations
et nos élus ne se contentent pas de phrases aussi courtes quoique tellement
chargées de sens. Je lisais l’autre jour dans quelque journal mensuel de
quelque conseil départemental qu’il fallait « faire vivre les territoires
avec les acteurs du territoire ». Voilà une phrase un peu plus longue mais
bien dépourvue de sens pour peu qu’on y réfléchisse. Bien sûr, il est toujours
agréable de se sentir pris pour un acteur
du territoire et il est doux de penser que mon pays, ma région et mon
village sont un de ces territoires
sur lesquels règnent nos hauts fonctionnaires et nos pénétrants élus mais une fois
cette douceur passée, il reste un goût amer d’un mets indigeste qui ne nourrit
pas son homme. Il est inutile de dire dans quel journal de quel conseil cela
fut écrit car la langue qu’ils utilisent est la même aux six coins de l’hexagone
et quand ils utilisent le parler croquant, c’est toujours en tant qu’alibi
folklorique. Les croquants sont à peine des acteurs pour ces gens qui nous
gouvernent.
Et, tant qu’à parler de mots, il y en a un
qui fait partie de la langue des cadres, qu’ils soient inférieurs ou supérieurs :
le mot job. Ah que ce mot est prisé
dans les classes bien pensantes ! Car dire que l’on travaille, c’est bon
pour les petits. Les grands, eux, ont un job.
Ils ne s’abaissent pas à travailler, ils font du business. Un étudiant de bon niveau vous dira qu’il fait un job d’été pour se dédouaner de devoir un
peu mettre les mains dans le cambouis. Mais regardez bien autour de vous :
quel ouvrier va vous dire « ah, j’avais un bon job mais je viens d’être
recruté par un chasseur de mains qui va me pousser plus haut dans le bizness de
la brouette ! » Non, un paysan ne vous dira pas non plus qu’il a un job agricole. Qu’il produise des choux,
du lait ou des pois chiches, il fait son boulot et n’a pas besoin de le dire en
anglo-saxon.
On voit par-là que les mots et les images n’ont
que le sens qu’on y met.
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