Auditrices et auditeurs
qui m’écoutez, bonjour. Selon la mythologie, Pallas Athéna sortit armée et
casquée de la tête de Zeus. Un étonnant remake de cet évènement a eu lieu après
nos élections législatives de juin, le jour où Pallas M’Guerrab sortit casqué
de la tête de notre président et s’en alla en marche dans le cinquième
arrondissement pour y terrasser quelque socialiste ayant survécu au désastre
électoral de son parti. En effet, le casque de moto, sous le quinquennat
précédent, avait simplement servi à garantir l’incognito et la pudeur du
président de l’époque. Mais depuis que la république est en marche, les choses
ont changé et la pudeur comme l’incognito ne sont plus de mise : la
république est maintenant en armes et fait flèche de tout casque pour anéantir
les fainéants, les cyniques et les extrêmes. Et de plus, les fainéants étant
souvent cyniques et extrêmes, c’est l’occasion de faire d’une pierre trois
coups et de tuer trois bourdons d’un coup de casque.
Mais alors, mais alors,
si Zeus existe, qui sont donc les fainéants ? Et ne risque-t-on pas de les
confondre avec les feignants ? Cette fâcheuse quoiqu’approximative
homophonie mérite d’être éclaircie car ce sont les premiers, semble-t-il, qui
sont visés par les foudres présidentielles. Disons que le fainéant est, grosso
comme modo, celui qui n’en fout pas une rame et qui en est, peu ou prou,
conscient. Alors que le feignant, stricto comme sensu, est celui qui fait
semblant de travailler alors qu’il n’en fiche pas une rame de plus. Pris dans
ce sens, on pourrait craindre que le feignant soit assimilé au fainéant par
notre olympien président. Mais il s’en gardera bien car il ne souhaite pas se
mettre à dos la fonction publique. Rappelons toutefois qu’il y a un dicton
régional qui dit qu’ « il n’y a rien de plus terrible qu’un feignant
révolté », ce genre de feignant qui, voyant tant de pauvres gens prendre
le travail pour un long purgatoire à passer en attendant la retraite et
comptant les heures comme on égrènerait un chapelet, prend le travail à
bras-le-corps et abat plus de boulot en une semaine que d’autres ne le feront
en une carrière complète. Ah, les grandes choses sont le privilège des
feignants révoltés et ce ne sont pas les marchands de promesses, studieux et
appliqués à la petite semaine, qui en créeront. Ils se targuent d’avoir été et
d’être encore les seuls à bosser alors que nombre d’entre eux sont
improductifs, ne brassant que vents et effluents.
Là, une fois de plus, il
ne faut pas confondre révolté et insoumis car l’insoumis pratique la révolte en
paroles et en discours, se gardant bien de se précipiter sur un travail qui
l’empêcherait de manifester, de tracter et de réunionner. Sans aller jusqu’à
prétendre que feignant insoumis soit un pléonasme, il faut bien comprendre que
si, comme le disait Albert Camus, la conscience vient au jour avec la révolte,
bien des insoumis sont encore loin d’approcher la conscience.
Revenons à ce mot de
feignant. Utilisé dans la France du nord, il a une connotation péjorative alors
que dans le sud, un feignant est un hédoniste qui a compris que la vie est trop
courte pour faire le pingouin alors qu’il existe de délicieuses boissons
anisées qui se dégustent à l’ombre et en bonne compagnie. Et n’est-il pas
charmant de se faire traiter de feignassou ? Alors, n’en déplaise à
l’auguste dirigeant qui, lui-même, lorsqu’il dit « en marche »
s’adresse au chauffeur de sa limousine après s’être confortablement installé sur son siège, nous continuerons
notre révolte pacifique et créatrice.
On voit par-là qu’il n’y
a pas que dans les bocaux qu’on trouve des cornichons.
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