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dimanche 15 octobre 2017

Chronique de Serres et d’ailleurs III (5)



Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Selon la mythologie, Pallas Athéna sortit armée et casquée de la tête de Zeus. Un étonnant remake de cet évènement a eu lieu après nos élections législatives de juin, le jour où Pallas M’Guerrab sortit casqué de la tête de notre président et s’en alla en marche dans le cinquième arrondissement pour y terrasser quelque socialiste ayant survécu au désastre électoral de son parti. En effet, le casque de moto, sous le quinquennat précédent, avait simplement servi à garantir l’incognito et la pudeur du président de l’époque. Mais depuis que la république est en marche, les choses ont changé et la pudeur comme l’incognito ne sont plus de mise : la république est maintenant en armes et fait flèche de tout casque pour anéantir les fainéants, les cyniques et les extrêmes. Et de plus, les fainéants étant souvent cyniques et extrêmes, c’est l’occasion de faire d’une pierre trois coups et de tuer trois bourdons d’un coup de casque.
Mais alors, mais alors, si Zeus existe, qui sont donc les fainéants ? Et ne risque-t-on pas de les confondre avec les feignants ? Cette fâcheuse quoiqu’approximative homophonie mérite d’être éclaircie car ce sont les premiers, semble-t-il, qui sont visés par les foudres présidentielles. Disons que le fainéant est, grosso comme modo, celui qui n’en fout pas une rame et qui en est, peu ou prou, conscient. Alors que le feignant, stricto comme sensu, est celui qui fait semblant de travailler alors qu’il n’en fiche pas une rame de plus. Pris dans ce sens, on pourrait craindre que le feignant soit assimilé au fainéant par notre olympien président. Mais il s’en gardera bien car il ne souhaite pas se mettre à dos la fonction publique. Rappelons toutefois qu’il y a un dicton régional qui dit qu’ « il n’y a rien de plus terrible qu’un feignant révolté », ce genre de feignant qui, voyant tant de pauvres gens prendre le travail pour un long purgatoire à passer en attendant la retraite et comptant les heures comme on égrènerait un chapelet, prend le travail à bras-le-corps et abat plus de boulot en une semaine que d’autres ne le feront en une carrière complète. Ah, les grandes choses sont le privilège des feignants révoltés et ce ne sont pas les marchands de promesses, studieux et appliqués à la petite semaine, qui en créeront. Ils se targuent d’avoir été et d’être encore les seuls à bosser alors que nombre d’entre eux sont improductifs, ne brassant que vents et effluents.
Là, une fois de plus, il ne faut pas confondre révolté et insoumis car l’insoumis pratique la révolte en paroles et en discours, se gardant bien de se précipiter sur un travail qui l’empêcherait de manifester, de tracter et de réunionner. Sans aller jusqu’à prétendre que feignant insoumis soit un pléonasme, il faut bien comprendre que si, comme le disait Albert Camus, la conscience vient au jour avec la révolte, bien des insoumis sont encore loin d’approcher la conscience.
Revenons à ce mot de feignant. Utilisé dans la France du nord, il a une connotation péjorative alors que dans le sud, un feignant est un hédoniste qui a compris que la vie est trop courte pour faire le pingouin alors qu’il existe de délicieuses boissons anisées qui se dégustent à l’ombre et en bonne compagnie. Et n’est-il pas charmant de se faire traiter de feignassou ? Alors, n’en déplaise à l’auguste dirigeant qui, lui-même, lorsqu’il dit « en marche » s’adresse au chauffeur de sa limousine après s’être confortablement  installé sur son siège, nous continuerons notre révolte pacifique et créatrice.
On voit par-là qu’il n’y a pas que dans les bocaux qu’on trouve des cornichons.

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