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dimanche 8 octobre 2017

Chronique de Serres et d’ailleurs III (4)



Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. « Le mieux est l’ennemi du bien ». Voilà encore une sentence frappée au coing du bon sens. Ce dicton a déjà fait l’objet d’une chronique dans laquelle j’avais laissé la place à un glorieux ainé[1] qui nous avait entraîné dans un dédale de réflexions, revenons-y donc après avoir vu ce que peut être le bon sens.
Le bon sens est une variété de cognassier que nombre de gens affirment posséder dans leur jardin mais méfions-nous des contrefaçons. Le plus redoutable bon sens est celui que d’aucuns nomment bon sens paysan car bien souvent il n’a rien ni de bon sens ni de paysan (comme celui qui en parle car un vrai paysan ne parle pas  de bon sens paysan, voyons !) mais cela permet à celui qui déclare en être pourvu de dire ou de faire quelque stupidité en la parant des habits d’une vérité terrienne supposée. Alors que la vérité, comme l’on sait, aime à se promener toute nue… Laissons donc ces citadins à leurs mythes.
Après ce nécessaire préliminaire, voyons si le mieux est l’ennemi du bien. Notre exégète nous avait expliqué que si le mieux est l’ennemi du bien, le mal, ennemi lui aussi du bien, pourrait donc être l’ami du mieux et le mieux ainsi devenir plus mal que bien ou réciproquement. C’est à ce moment-là qu’il nous a lâchés pour fuir le minotaure.
Voyons ce qu’il se passe de nos jours : on voit de partout des diplômés, des sportifs de haut niveau, des chefs ainsi que des têtes pensantes prôner l’excellence en tout : citius, altius, fortius [2]devisait Coubertinus. Et pourquoi, croyez-vous ? La réponse est simple : faire plus, c’est s’autoriser à ne pas devoir faire assez ; faire mieux, c’est s’exonérer de bien faire et le meilleur n’est bien souvent que l’absence du bon. Un exemple ? Voyez ces Top chefs que l’on exhibe sur les écrans, ils sont là pour montrer au bon peuple tout ce qu’il n’aura pas et dont il n’a par ailleurs nul besoin. Tout cela pour faire passer l’amère potion des légumes monsantisés, des viandes hormonisées et des boissons frelatées que les sponsors vendent au consommateur de base dans les supermarkets de la planète.
Vous avez bien compris, le plus est une manière d’occulter le fait qu’il suffirait d’avoir assez, le meilleur permet de dissimuler l’absence du bon et le mieux est une façon de s’exonérer de ne pas être capable de bien faire. Un exemple : voyez ces bordures de champs brûlées par le désherbant là où il pourrait y avoir des herbes sauvages, des fleurs et des petits animaux. Il ne suffit plus de désherber un champ, encore faut-il détruire la vie qui l’entoure… on voit là que le bon sens paysan a ses limites, même chez le paysan. Le plus, le mieux et le meilleur sont les diverses figures du trop que les classes dirigeantes, scientifiques ou médiatiques nous infligent au détriment du suffisant.
On voit par-là qu’avec le culte du trop et le trop de culte l’effet se recule.


[1] Dans la chronique du 23 juin 2013.
[2] Plus loin, plus haut, plus fort.

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