Et nous voilà plongés
dans l’écoute de la symphonie fantastique. Je me demandai comment j’allais m’y
prendre pour lui tirer les vers du nez au sujet de son coup de fil de l’autre
matin. Berlioz faisait monter la pression dans ma tête, ce n’est peut-être pas
la musique qu’il m’aurait fallu. Je décidai de laisser les choses en l’état
jusqu’après avoir vu Michel.
Sur un air de piano, nous
arrivâmes en vue de l’aire du Frontonnais et je proposai à Magali de faire un
arrêt pour boire un café. L’atmosphère était tendue et je vis que Magali, qui
était si épanouie au moment de partir, se tenait voûtée et contractée sur son
siège. Je garai mon fourgon et nous descendîmes. Nous entrâmes dans la
station-service et je commandai au bar deux cafés pendant que Magali s’éclipsait.
Ensuite, nous bûmes nos cafés, toujours en silence, et ressortîmes. Je pris
doucement Magali par la taille. Elle se tourna vers moi, le regard triste.
— Fortunio, j’ai peur, me
dit-elle doucement.
— Tu as peur de moi ?
Dis-je.
— Non, pas de toi, pas
quand je suis avec toi. J’ai peur de Fauchet. Il faut vraiment que je te parle,
ce type me tient sous sa coupe et il le sait. J’ai peur de lui, j’ai peur, j’ai
peur…
— Monte dans le fourgon,
qu’on puisse parler tranquillement.
— Oui.
Nous étions dans le
fourgon et Magali se mit à pleurer doucement. Je la laissai pleurer sans poser
de question, sans intervenir.
— Tu me trouves bizarre,
non ? Me dit-elle en tentant de sécher ses larmes.
— Non, je crois que je
suis capable de comprendre, mais essaye de m’expliquer, répondis-je en lui
tendant un mouchoir.
— Merci, dit-elle en
passant le mouchoir sur ses pommettes. C’est un peu long à raconter tu sais…
— Sans doute, mais je
crois que tu as besoin d’en parler et il faut prendre maintenant le temps de le
faire pour que nous puissions encore nous parler en face.
— Oui, oui. Ce n’est pas
facile, tu en penseras ce que tu veux, mais je ne peux plus garder tout cela
pour moi.
— Alors, vas-y si tu le
peux, dis-je. Je t’écouterai jusqu’au bout, sans a priori.
— Bon, je me lance,
allez. Je t’ai dit comment j’en étais venue à vivre avec Michel, tu t’en
souviens ?
— Oui, je t’écoute.
— J’ai connu Roger
Fauchet comme patient, il était venu une fois à mon cabinet à Veyriat, pour une
rééducation, au niveau du dos si je me souviens bien. Il était venu pour une
dizaine de séances, un client comme un autre. Il était bien un peu dragueur,
mais je l’avais assez vite remis en place et tout s’était bien passé. Puis,
j’ai fermé mon cabinet, j’ai commencé à vivre avec Michel. Quelques mois passent,
un an même peut-être et me voilà de bon matin par un jour de pluie à attendre
le bus qui va à Villeneuve, pour aller à la gare prendre le train pour
Toulouse. J’avais des démarches à faire suite à la succession de mes parents et
pour me faire conduire à Toulouse par Michel, c’était toujours galère : soit il
n’avait pas le temps, soit la voiture était en panne, bref le plus simple était
de prendre le bus puis le train. Bon, le bus avait du retard et voilà Roger Fauchet
qui passe avec son gros 4X4. Il me reconnaît et s’arrête. Il me propose de me
porter à Villeneuve, puis quand je lui dis que je vais prendre le train pour
Toulouse, il me répond qu’il doit justement aller chercher une pièce pour une
de ses machines chez un concessionnaire aux Minimes Il me dit qu’il me déposera
près d’une station de métro et qu’on se retrouve vers treize heures place du
Capitole et qu’on mangera quelque part ensemble. Tout cela était parfait, j’ai
le temps dans la matinée de faire ce que j’avais prévu et nous mangeons
ensemble en centre-ville. Roger était vraiment charmant, il a un peu insisté
pour me faire boire un peu plus que je n’aurais dû et dans l’euphorie, j’ai
accepté de me laisser entraîner dans une chambre d’hôtel. Tu as compris je
suppose…
(à suivre...)
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