9. Houston et retour au
Havre. Du 26 octobre au 6 novembre.
Aujourd’hui,
l’heure change à nouveau mais cette fois on met le cap à l’est et on raccourcit
les jours. On change d’heure à treize heures pour mettre sa montre à quatorze
heures. Voilà bien une soixantaine de minutes perdues pour la sieste,
amigo ! On est toujours dans le Golfe du Mexique. Nuages épars et
température chaude et surtout beaucoup de vent. J’ai voulu aller sur le pont
bâbord mais n’ai pu y tenir, je me serais fait renverser. Ce matin, il fait un
vent à décorner les boucs puis après le vent, la pluie, la première pluie
d’automne depuis notre départ avec un ciel bas et de la brume.
Aujourd’hui
un autre changement d’heure, nous passons du méridien de La Havane au méridien
de Caracas. Je n’ai actuellement aucune coordonnée précise car je ne peux pas
mettre mon GPS à jour tant que je n’aurai pas de connexion. Faisons confiance
au capitaine et ses matelots, ils feront ce qu’il faut pour nous débarquer au
Havre. Et l’âge du capitaine, me direz-vous ? 41 ans, cela sera dit.
Le
troisième officier avait fait savoir qu’une demande de monter sur le bridge pouvait se faire et nous y
montons à deux vers 9.30 heures. Ce qui est très particulier c’est la lumière
et le calme qui y règnent. Nous ne nous y attardons pas, les passagers sont
seulement autorisés à rester assis sur un petit canapé mais cela n’est pas sans
intérêt. Sur le bateau, je comprends mieux tout le sens de l’utilisation des
mots bâbord et tribord (port &
starboard). Ce sont des mots concrets alors que droite et gauche sont des
mots abstraits ou subjectifs, d’où bien souvent l’utilisation par certains de
l’expression « à main
gauche » ou « sur votre droite ».
Le
bateau est bien moins chargé au retour qu’à l’aller, tant en nombre de
conteneurs qu’en poids, en estimant la hauteur par rapport à la ligne de
flottaison. Il y a un bon nombre de conteneurs frigorifiques, branchés sur la
production électrique du bateau. Il y aurait aussi des conteneurs vides qui
repartent sur d’autres ports.
Dimanche,
nous ne sommes que deux au petit déjeuner, le temps est très doux et le vent
moyen. A treize heures, nous avancerons nos montres et passerons au méridien de
Montevideo. La mer est calme. C’est notre 35ème jour de navigation,
les Bermudes sont derrière nous et la prochaine escale sera Le Havre, dimanche
prochain. L’océan est à perte de vue, les vagues font puissamment rouler le
navire et la force de l’hélice pousse le tangage. Le soleil projette une voie
lactée sur les flots bleus, l’étrave sépare les eaux en un bouillonnement
d’écume qui en s’apaisant forme des alvéoles vert pâle cernées de blanc, le
sillage arrière forme une rivière de jade. Nous faisons environ 600 km par jour
sans voir un bateau à l’horizon : essayez toujours de prendre votre
voiture, en France et de ne croiser personne pendant 600 kilomètres !
Nous
n’aurons pas vu les machines, seulement entendu le bourdonnement du moteur,
probablement un lourd Diesel à course longue et à régime peu élevé.
L’après-midi,
nous avions invité le troisième officier à venir boire un thé dans notre
cabine. Cela a été un moment d’échange très intéressant et agréable. Nous lui
avons un peu expliqué notre ressenti sur ce voyage, nous lui avons montré bon
nombre de nos photos et nous avons pu lui poser pas mal de questions. Bien sûr,
il est venu pendant son temps de repos et il garde un devoir de réserve
concernant ce qui touche à l’organisation du navire.
On
change plus souvent d’heure que de nappe sur ce bateau et Il faut essayer de
manger proprement car en cinq semaines la nappe a été changée trois fois, nous
utilisons notre table trois fois par jour et elle sert aussi pour certains
membres de l’équipage qui y mangent avant ou après nous. Donc, au bout d’une
dizaine de jours, la nappe commence à ressembler à une carte marine, avec un
cercle noir sur le pourtour à l’endroit du léger rebord destiné à empêcher le
glissement des couverts pendant les mouvements du bateau. La vaisselle est un
peu dépareillée mais on est sur un bateau. Quant à la nourriture, je ne
m’étendrai pas sur le sujet, mon seul commentaire sera que j’ai perdu dix kilos
en six semaines, écœuré par ce qu’on nous a servi.
Nous
arrivons en vue du Havre. À midi un hélicoptère nous fonce dessus et nous avons
juste le temps de réaliser qu’il vient déposer le pilote sur le toit du bridge. A peine ai-je le temps de
prendre une vidéo que déjà l’hélicoptère repart vers un cargo, derrière nous,
pour hélitreuiller un autre pilote. Le bateau est à quai à quatorze heures et
nous quittons le navire. Nous avons l’occasion de saluer rapidement le
capitaine qui explique à Odile qu’il a bien lu le complaints log, à savoir le cahier de doléances, et qu’il en
conclut qu’ils ont une importante marge de manœuvre pour l’amélioration de
l’accueil à bord. L’art de la litote se pratique aussi chez les ukrainiens.
Nous n’avons aucune formalité à remplir pour aborder en France et notre taxi
nous ramène au Havre où on nous indique une adresse à retenir : la Taverne
Paillette, brasserie havraise historique depuis 1596. Après six semaines de
tambouille, nous avons une haleine de chacal et des foies en compote. Un repas
léger de poisson frais nous sustente en milieu d’après-midi et ce repas nous
suffira jusqu’au lendemain, nous avons du mal à nous réhabituer à une
nourriture fraiche et sympathique. Nos jambes aussi se souviennent du bateau et
de son roulis.
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