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dimanche 3 septembre 2017

Six semaines à bord du Jamaïca (9)



9. Houston et retour au Havre. Du 26 octobre au 6 novembre.
Aujourd’hui, l’heure change à nouveau mais cette fois on met le cap à l’est et on raccourcit les jours. On change d’heure à treize heures pour mettre sa montre à quatorze heures. Voilà bien une soixantaine de minutes perdues pour la sieste, amigo ! On est toujours dans le Golfe du Mexique. Nuages épars et température chaude et surtout beaucoup de vent. J’ai voulu aller sur le pont bâbord mais n’ai pu y tenir, je me serais fait renverser. Ce matin, il fait un vent à décorner les boucs puis après le vent, la pluie, la première pluie d’automne depuis notre départ avec un ciel bas et de la brume.
Aujourd’hui un autre changement d’heure, nous passons du méridien de La Havane au méridien de Caracas. Je n’ai actuellement aucune coordonnée précise car je ne peux pas mettre mon GPS à jour tant que je n’aurai pas de connexion. Faisons confiance au capitaine et ses matelots, ils feront ce qu’il faut pour nous débarquer au Havre. Et l’âge du capitaine, me direz-vous ? 41 ans, cela sera dit.
Le troisième officier avait fait savoir qu’une demande de monter sur le bridge pouvait se faire et nous y montons à deux vers 9.30 heures. Ce qui est très particulier c’est la lumière et le calme qui y règnent. Nous ne nous y attardons pas, les passagers sont seulement autorisés à rester assis sur un petit canapé mais cela n’est pas sans intérêt. Sur le bateau, je comprends mieux tout le sens de l’utilisation des mots bâbord et tribord (port & starboard). Ce sont des mots concrets alors que droite et gauche sont des mots abstraits ou subjectifs, d’où bien souvent l’utilisation par certains de l’expression « à main gauche » ou « sur votre droite ».
Le bateau est bien moins chargé au retour qu’à l’aller, tant en nombre de conteneurs qu’en poids, en estimant la hauteur par rapport à la ligne de flottaison. Il y a un bon nombre de conteneurs frigorifiques, branchés sur la production électrique du bateau. Il y aurait aussi des conteneurs vides qui repartent sur d’autres ports.
Dimanche, nous ne sommes que deux au petit déjeuner, le temps est très doux et le vent moyen. A treize heures, nous avancerons nos montres et passerons au méridien de Montevideo. La mer est calme. C’est notre 35ème jour de navigation, les Bermudes sont derrière nous et la prochaine escale sera Le Havre, dimanche prochain. L’océan est à perte de vue, les vagues font puissamment rouler le navire et la force de l’hélice pousse le tangage. Le soleil projette une voie lactée sur les flots bleus, l’étrave sépare les eaux en un bouillonnement d’écume qui en s’apaisant forme des alvéoles vert pâle cernées de blanc, le sillage arrière forme une rivière de jade. Nous faisons environ 600 km par jour sans voir un bateau à l’horizon : essayez toujours de prendre votre voiture, en France et de ne croiser personne pendant 600 kilomètres !
Nous n’aurons pas vu les machines, seulement entendu le bourdonnement du moteur, probablement un lourd Diesel à course longue et à régime peu élevé.
L’après-midi, nous avions invité le troisième officier à venir boire un thé dans notre cabine. Cela a été un moment d’échange très intéressant et agréable. Nous lui avons un peu expliqué notre ressenti sur ce voyage, nous lui avons montré bon nombre de nos photos et nous avons pu lui poser pas mal de questions. Bien sûr, il est venu pendant son temps de repos et il garde un devoir de réserve concernant ce qui touche à l’organisation du navire.
On change plus souvent d’heure que de nappe sur ce bateau et Il faut essayer de manger proprement car en cinq semaines la nappe a été changée trois fois, nous utilisons notre table trois fois par jour et elle sert aussi pour certains membres de l’équipage qui y mangent avant ou après nous. Donc, au bout d’une dizaine de jours, la nappe commence à ressembler à une carte marine, avec un cercle noir sur le pourtour à l’endroit du léger rebord destiné à empêcher le glissement des couverts pendant les mouvements du bateau. La vaisselle est un peu dépareillée mais on est sur un bateau. Quant à la nourriture, je ne m’étendrai pas sur le sujet, mon seul commentaire sera que j’ai perdu dix kilos en six semaines, écœuré par ce qu’on nous a servi.
Nous arrivons en vue du Havre. À midi un hélicoptère nous fonce dessus et nous avons juste le temps de réaliser qu’il vient déposer le pilote sur le toit du bridge. A peine ai-je le temps de prendre une vidéo que déjà l’hélicoptère repart vers un cargo, derrière nous, pour hélitreuiller un autre pilote. Le bateau est à quai à quatorze heures et nous quittons le navire. Nous avons l’occasion de saluer rapidement le capitaine qui explique à Odile qu’il a bien lu le complaints log, à savoir le cahier de doléances, et qu’il en conclut qu’ils ont une importante marge de manœuvre pour l’amélioration de l’accueil à bord. L’art de la litote se pratique aussi chez les ukrainiens. Nous n’avons aucune formalité à remplir pour aborder en France et notre taxi nous ramène au Havre où on nous indique une adresse à retenir : la Taverne Paillette, brasserie havraise historique depuis 1596. Après six semaines de tambouille, nous avons une haleine de chacal et des foies en compote. Un repas léger de poisson frais nous sustente en milieu d’après-midi et ce repas nous suffira jusqu’au lendemain, nous avons du mal à nous réhabituer à une nourriture fraiche et sympathique. Nos jambes aussi se souviennent du bateau et de son roulis.

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