Auditrices et auditeurs
qui m’écoutez, bonjour. On ne le dira jamais assez, la recherche fondamentale se
fourvoierait si elle tentait d’expliquer les choses simples en les compliquant ;
rappelons ce que disait Boileau « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement
et les mots pour le dire arrivent aisément ». Et prenons un exemple :
Will Cuppy dont j’ai déjà précédemment cité l’ouvrage The decline and fall
of practically everybody (Grandeur et décadence d’un peu tout le monde) a
aussi écrit un opuscule intitulé ; How To Tell Your Friends from the
Apes (Comment reconnaître vos
amis des grands singes). Il résout la question que pose ce titre en expliquant
avec une robuste simplicité qu’il suffit de se rendre au jardin zoologique. En
effet, les grands singes sont ceux qui sont de l’autre côté des barreaux. Je ne
doute pas que Will Cuppy, s’il vivait encore aujourd’hui, aurait noué amitié
avec M. Trump.
Pour ne pas sortir de cet
exemple, je voulais en venir à une actualité brûlante au moment où j’écris ces
lignes. Deux journaux d’importance du macrocosme médiatique parisien
s’écharpent à coups de déclarations et de citations tronquées, s’agonissent
d’insultes et font gronder la galaxie des réseaux sociaux. Un ex-premier
ministre néo-pré-macronien post socialo-hollandiste se voit entrainé dans cette
tourmente. Et même l’académicien post soixante-huitard de service sort de son
bref silence pour se poster sur les hauteurs de la pensée.
Je ne parlerai pas du
sujet de cette vive controverse mais tenterai seulement de savoir quels sont
les deux protagonistes principaux dans la dispute. D’une part – à ma gauche
dirait-on en termes de combat de boxe – un média d’information numérique
spécialiste d’enquêtes d’investigation très fouillées. Ce journal totalement
numérique s’est en dix ans imposé comme un des mieux informés de la presse
française. Son controversé directeur et cofondateur porte à la Léon Bloy la
moustache la plus typique du paysage médiatique de notre pays. Et comme Léon
Bloy il a le zèle des convertis pour les causes qu’il défend. D’autre part – à
ma droite si j’ose dire – un journal dont le titre est né dans le terreau
gauchiste de l’après 68, titre qui s’est arrêté en 1982 sous le gouvernement de
Pierre Mauroy et qui fut récupéré par une équipe formée pour partie d’anciens
de la rédaction précédente mais qui avaient eu le temps de s’aménager villas et
piscines dans le Lubéron et de s’embourgeoiser dans une douillette morale. Ces
deux médias étaient censés faire partie du paysage de la gauche française, à
savoir de cette gauche qui, ayant perdu toute idée de la fraternité, s’est
construite une bienpensance où tout un tas de libertés et d’égalités se côtoient
dans un bric-à-brac infra idéologique : ils ont découpé la Liberté et l’Egalité
en tranches de telle sorte qu’ils ont toujours des batailles de lilliputiens à
livrer. Ces tranches sont devenues la commode mise en bouche de toute une
partie de la sphère politique, de droite ou de gauche car elles ne sont ni d’un
côté ni de l’autre. Pendant qu’ils se livrent la bataille du mariage pour tous,
par exemple, on oublie de penser aux réalités sociales du moment.
Ainsi ces deux journaux,
représentants d’une nouvelle classe bourgeoise, se livrent un combat douteux
sous l’œil narquois des radicalisés de tout poil dont ils font complaisamment
le jeu, ceci pendant que le petit peuple les admire stupidement. Comme le
disait Flaubert, le rêve démocratique « est d’élever le prolétaire au
niveau de bêtise du bourgeois ».
On voit par-là qu’il vaut
parfois mieux être près des grands singes plutôt qu’au côté de certains amis.
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