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dimanche 10 décembre 2017

Chronique de Serres et d’ailleurs III (13)


Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. On ne le dira jamais assez, la recherche fondamentale se fourvoierait si elle tentait d’expliquer les choses simples en les compliquant ; rappelons ce que disait Boileau « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ». Et prenons un exemple : Will Cuppy dont j’ai déjà précédemment cité l’ouvrage The decline and fall of practically everybody (Grandeur et décadence d’un peu tout le monde) a aussi écrit un opuscule intitulé ; How To Tell Your Friends from the Apes  (Comment reconnaître vos amis des grands singes). Il résout la question que pose ce titre en expliquant avec une robuste simplicité qu’il suffit de se rendre au jardin zoologique. En effet, les grands singes sont ceux qui sont de l’autre côté des barreaux. Je ne doute pas que Will Cuppy, s’il vivait encore aujourd’hui, aurait noué amitié avec M. Trump.
Pour ne pas sortir de cet exemple, je voulais en venir à une actualité brûlante au moment où j’écris ces lignes. Deux journaux d’importance du macrocosme médiatique parisien s’écharpent à coups de déclarations et de citations tronquées, s’agonissent d’insultes et font gronder la galaxie des réseaux sociaux. Un ex-premier ministre néo-pré-macronien post socialo-hollandiste se voit entrainé dans cette tourmente. Et même l’académicien post soixante-huitard de service sort de son bref silence pour se poster sur les hauteurs de la pensée.
Je ne parlerai pas du sujet de cette vive controverse mais tenterai seulement de savoir quels sont les deux protagonistes principaux dans la dispute. D’une part – à ma gauche dirait-on en termes de combat de boxe – un média d’information numérique spécialiste d’enquêtes d’investigation très fouillées. Ce journal totalement numérique s’est en dix ans imposé comme un des mieux informés de la presse française. Son controversé directeur et cofondateur porte à la Léon Bloy la moustache la plus typique du paysage médiatique de notre pays. Et comme Léon Bloy il a le zèle des convertis pour les causes qu’il défend. D’autre part – à ma droite si j’ose dire – un journal dont le titre est né dans le terreau gauchiste de l’après 68, titre qui s’est arrêté en 1982 sous le gouvernement de Pierre Mauroy et qui fut récupéré par une équipe formée pour partie d’anciens de la rédaction précédente mais qui avaient eu le temps de s’aménager villas et piscines dans le Lubéron et de s’embourgeoiser dans une douillette morale. Ces deux médias étaient censés faire partie du paysage de la gauche française, à savoir de cette gauche qui, ayant perdu toute idée de la fraternité, s’est construite une bienpensance où tout un tas de libertés et d’égalités se côtoient dans un bric-à-brac infra idéologique : ils ont découpé la Liberté et l’Egalité en tranches de telle sorte qu’ils ont toujours des batailles de lilliputiens à livrer. Ces tranches sont devenues la commode mise en bouche de toute une partie de la sphère politique, de droite ou de gauche car elles ne sont ni d’un côté ni de l’autre. Pendant qu’ils se livrent la bataille du mariage pour tous, par exemple, on oublie de penser aux réalités sociales du moment.
Ainsi ces deux journaux, représentants d’une nouvelle classe bourgeoise, se livrent un combat douteux sous l’œil narquois des radicalisés de tout poil dont ils font complaisamment le jeu, ceci pendant que le petit peuple les admire stupidement. Comme le disait Flaubert, le rêve démocratique «  est d’élever le prolétaire au niveau de bêtise du bourgeois ».
On voit par-là qu’il vaut parfois mieux être près des grands singes plutôt qu’au côté de certains amis.

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