Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. La
lecture de la presse quotidienne régionale, dite en abrégé PQR, est souvent
étonnamment instructive et, pour ce qui est de notre région, je suis tombé,
dans l’édition du 21 novembre 2017 du journal Sud-Ouest, sur un article
relatant une polémique au sujet de la proposition du maire d’une commune de
baptiser une rue de sa belle cité du nom du représentant du régime de Vichy
pour cette ville durant la dernière guerre. J’éviterai de donner le nom de
cette bourgade pour ne pas en rajouter sur cette controverse. En effet, suite à
un vote du conseil municipal, la proposition du maire avait été entérinée et
cette décision a soulevé une tempête de protestations, faisant sortir du bois
un député, un ex-député ex-ministre et d’autres personnalités qui se sont
élevées contre l’idée de baptiser une rue du nom de quelqu’un qui avait fait
allégeance au maréchal Pétain qui, lui-même, était, depuis l’entrevue de
Montoire, l’affidé d’Hitler.
Dans cet article, il est fait état de la volonté
du maire actuel d’honorer la mémoire d’un homme qui était le grand-oncle du
premier adjoint. On est, il faut le reconnaître, rarement mieux servi que par
soi-même ou par les siens mais je pense que si j’avais eu un tonton qui avait
tant soi peu fricoté avec l’occupant – même avec les meilleures intentions du
monde - j’aurais préféré demander à ce qu’on laisse ses cendres en paix. Il
m’aurait paru inutile de charger encore plus la mule et quand on remue la boue
on risque toujours de s’éclabousser.
Ce qui est intéressant dans cette histoire, c’est
que de part et d’autre on s’accuse de vouloir réinterpréter l’histoire, cela
est toujours tentant bien sûr. Mais le maire en question pousse le bouchon
assez loin en déclarant, toujours selon le journal : « Tout le monde,
à cette époque était pro-Pétain ». Voilà une fulgurante interprétation et
même réinterprétation de l’histoire que de proclamer un tel unanimisme dans la
population. Il est bien possible qu’à cette époque, dans les familles de ces
élus et dans leur entourage, tous furent pro-Pétain. Pour bien des notables de
l’époque et pour nombre de grands bourgeois, habitués à se mettre du bon côté
du manche, le confort voulait qu’on se soumît et même qu’on s’associât au pouvoir
en place avec les avantages financiers qui en découlaient quitte à retourner sa
chaude veste à la libération. Mais prendre son entourage pour « tout le
monde », voilà qui procède d’une assimilation hasardeuse.
Ce qui est tout aussi passionnant, c’est aussi
que certains, pour défendre la mémoire du tonton pro vichyste, supposent qu’il
aurait évité un bain de sang en 1944 lors de la venue des allemands. Voilà une
proposition judicieuse car on pourrait ainsi honorer bien des mémoires
d’illustres inconnus (ou non) en leur attribuant des hauts faits négatifs à
savoir en les glorifiant de ce qu’ils n’ont pas fait ou de ce qui ne s’est pas
passé mais aurait pu se passer s’il n’avaient point été à tel endroit à tel
moment et, en réalité, à ne faire qu’être là. En quelque sorte, bien que le
pire ne soit jamais sûr, ils l’auraient tout de même évité. Imaginons le nombre
de notables qui auraient pu faire pire que ce qu’ils ont fait et imaginons le
nombre de rues que l’on pourrait ainsi baptiser de leurs patronymes.
On voit par-là que si mon oncle en avait ma tante
aurait des dents.
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