Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour.
La lecture de la presse quotidienne régionale, est souvent étonnamment
instructive mais la presse hebdomadaire régionale possède aussi de grandes
qualités que je ne saurais passer sous silence. Cette presse se fait l’écho, de
préférence fidèle, des hauts faits des dirigeants élus de nos communes et
intercommunalités. Parmi ces hauts faits, les plus marquants sont généralement
les discours proférés par moult édiles rompus à la communication rurale. Ce
style de communication ne date pas d’aujourd’hui puisqu’en 1951 déjà le
dessinateur Franquin et le scénariste Gillain publiaient une bande dessinée
intitulée « Il y a un sorcier à Champignac ». Dans cette bande
dessinée apparaît un personnage qui deviendra récurrent, le maire de
Champignac, de son nom Gustave Labarbe, véritable orfèvre du style amphigourique,
du phébus et du galimatias. Le discours
de ce personnage est la quintessence de la production verbale de nos élus
régionaux que l’on entend mugir dans nos campagnes à tel point qu’une revue
satirique suisse, lausannoise de surcroit, décerne chaque année un grand prix
du maire de Champignac à la sortie la plus amphigourique de l’année. Il ne
manque pas chez nos voisins de ténors de la rhétorique rurale qui toutefois ne
font nullement pâlir d’envie nos propres édiles. Il y avait fort longtemps que
je n’avais lu un album des aventures de Spirou et Fantasio et, passant par le
beau département du Cantal au début de cette année, je fis l’acquisition, pour
la modique somme d’un euro et dix centimes, du journal « Le réveil
cantalien », édition du 22 décembre 2017 au 11 janvier 2018, ce qui me
permit de constater que ce journal, quoique hebdomadaire, prenait une semaine
de repos en début d’année. La devise de ce journal, fièrement arborée en entête
et illustrée d’un coq chantant, est : « Chaque vendredi, un journal
nous rapproche ». Après ce glorieux frontispice, suivent quarante pages
d’informations régionales ou sportives, de petites annonces et de publicité. Ma
surprise fut de taille en découvrant une pleine page d’information sur la
commune de Champagnac et sur l’inauguration, sous les flocons, de sa nouvelle
place des tilleuls. Comme le premier avril est encore loin, je dus me rendre à
l’évidence, il ne s’agissait nullement d’une de ces fake news tant vilipendées par notre président : la commune de
Champagnac existe bel et bien et elle est munie d’un maire en état de marche.
Je fus donc passionné par la lecture de l’article en question et, si le
discours du maire n’y est pas reproduit in
extenso, le journaliste en cite de généreux extraits qui m’ont paru valoir
leur pesant de légumineuses grillées et salées. Je vous les restitue donc
ici : « prochainement,
l’intégralité des rues de Champagnac portera un nom afin de satisfaire aux
exigences de sécurité et de localisation de plus en plus nécessaires Ces rues
porteront essentiellement des noms d’arbres, de fleurs et d’animaux, afin de
souligner le renouveau de notre commune. Cette place étant pourvue de tilleuls
est logiquement baptisée Place des Tilleuls. » Plus loin, il est
question du nouveau blason de la commune : « Blason qui représentera officiellement et fièrement notre
commune, sculpté par Jean-Pierre Chevalier dans la pierre de Menet, afin de
marquer son caractère immuable ». Après l’inauguration officielle, les
participants se sont rendus à la salle des fêtes où le maire, après avoir
repris son souffle, reprit : « L’inauguration
de cette place est la clé de voûte de l’ambition que j’ai, avec toute mon
équipe, pour Champagnac. Elle illustre notre volonté de développer et
d’améliorer les conditions de vie de notre village. Cette place, nous l’avons
imaginée, pensée, pour qu’elle soit un lieu de vie, de rencontre, d’échange et
de détente. C’est aussi le nouveau visage de Champagnac, tourné vers l’avenir.
Avenir qui se veut plus résidentiel qu’industriel. Néanmoins, j’ai souhaité ne
pas renier son passé, c’est pour cette raison que le mobilier urbain porte
l’emblème de la mine et que j’ai fait réaliser un blason avec d’anciennes
armoiries. Cette place est donc le trait d’union entre le passé et l’avenir de
Champagnac. »
Faut-il en rajouter ? On voit par-là que peu
importe le flocon pourvu qu’on ait l’ivresse.
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