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dimanche 11 février 2018

Chronique de Serres et d’ailleurs III (21)



Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. « C’est en forgeant qu’on devient forgeron et c’est en sciant que Léonard de Vinci… ». Ainsi parlait Sara Toussetra, buraliste et aphoriste à l’humour cinglant qui concluait avec aplomb : « Et, à propos de Vinci, vous voyez ce que je veux dire, des spécialistes du ni vu ni connu, j’t’embrouille, du fric dans les poches et des fouilles en or, pour parler poliment… ».
Est-il possible de contredire une telle diatribe en ce moment ? Car j’avais cru comprendre que c’est en voyant la une du journal que je lui tendais qu’elle avait tilté sur ce que le quotidien nommait le fiasco de Notre Dame des Landes. Et, bien sûr, je supposai donc qu’elle pensait à cette grande société spécialisée dans les travaux publics et la gestion d’autoroutes, chouchoute du sarcovizir et notre-dame de hollande. Il était évidemment question de l’indemnité que l’Etat pourrait devoir lui verser suite à l’abandon du projet d’aéroport. Car bien sûr, de nos jours, il y a ceux qui gagnent leur vie en travaillant, plus ou moins bien rémunérés mais en travaillant, et ceux qui gagnent de l’argent simplement pour avoir attendu assez longtemps afin de se voir indemniser de ce qu’ils n’ont pas gagné mais auraient pu gagner. Et Léonard de Vinci sous les auspices de la vierge ne peut que se forger une félicité qui le fait pleurer de tendresse. Sans compter qu’une telle indemnité jouit certainement d’un statut fiscal généreux pour qui sait faire usage des règles, dérogations et faveurs en vigueur.
Mais foin de toutes ces suppositions et évoquons avec nostalgie ce si beau projet que des technocrates aujourd’hui retraités sinon révolus avaient mis sur le vert tapis des terres agricoles et des bocages de la Loire-Atlantique. Ce bel aéroport fut imaginé avec la perspective d’y accueillir les vols du Concorde vers New-York, ce dernier a été enterré depuis quelques années, le premier est en voie d’inhumation. Il y a une étonnante continuité dans l’obstination des élus et des administratifs à vouloir de grands et coûteux projets et dans leur acharnement à bétonner le paysage de manière quasi irréversible. Ils ont un surprenant entêtement à vouloir imposer une vision mégalomaniaque dont les effets financiers, s’ils coûtent au contribuable, répandent une manne généreuse sur un certain nombre de petits et gros malins qui se feront construire de somptueuses villas loin des terres défigurées par leurs œuvres maléfiques. Tout cela sous couvert d’un fonctionnement démocratique dont nul ne devrait ignorer qu’il est manipulé par les médias bienpensants de gauche, du centre ou de droite. Il y a même eu un référendum en faveur de l’aéroport et ceux qui ont voté dans ce sens auraient dû savoir qu’en votant majoritairement oui on leur donnerait du non et vice versa, en référence au référendum sur le traité constitutionnel européen.
Ce grand projet a mobilisé des experts, des juges, des forces de l’ordre, le Conseil d’Etat et pattin couffin, sans oublier les réunions, les rapports, les petits fours et les boissons y afférentes. Les écologistes officiels ont soufflé le chaud et le froid. L’Etat a fait l’acquisition de terres dont on se demande à qui elles reviendront maintenant : peut-être aux propriétaires expropriés et plus sûrement à l’agrandissement de grandes exploitations agricoles qui sauront se placer sous la bonne gouttière, par exemple quelques membres du syndicat agricole officiel et prébendé par l’Etat. Quand on fait un tel projet et qu’on n’a pas été capable de le faire aboutir sainement au bout de cinquante ans, il y a toujours des dégâts collatéraux comme des gains insoupçonnés.
On voit par-là qu’il est plus facile de faire décoller le papier peint qu'un aéroport.

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