Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour.
« Autrefois, quand j'étais marmot /
J'avais la phobie des gros mots / Et si j'pensais " merde " tout bas
/ Je ne le disais pas / Mais aujourd'hui que mon gagne-pain / C'est d'parler
comme un turlupin / Je n'pense plus " merde ", pardi / Mais je le dis ».
Vous aurez certainement reconnu un extrait de la chanson de Georges Brassens
« Le pornographe ». On a le langage qu’on peut et on a les gros mots
qu’on peut. Dans les usines ou sur les chantiers, les gros mots sont monnaie
courante mais sous les plafonds dorés de la république les gros mots avancent masqués
sous les traits d’une novlangue que les énarques, par exemple, maîtrisent
parfaitement, en quelque sorte on pourrait dire qu’ils ont des gros mots bien
plus sveltes que ceux du peuple ordinaire. Et, à propos d’énarque, je parlerai
de la personne qui a dirigé cette brillante école, quoiqu’elle n’en fut
elle-même pas issue, pendant quelques années avant de devenir ministre. Cette
diplomate et haut- ou haute- fonctionnaire n’a pas sa langue dans sa poche et
vient de parler de « shopping de l’asile » à propos des choix que
sont censés faire les migrants. Pour défendre l’utilisation de cette
expression, elle n’avait rien trouvé de mieux que de dire qu’elle figurait sur
des documents officiels de la Communauté Européenne : quand j’étais tout
gamin, mes parents me disaient de ne pas répéter les gros mots que disaient les
grands dans la cour de l’école, je ne sais pas s’il y a une cour de récré à
l’école d’administration ou au conseil des ministres mais le conseil de mes
anciens reste valable, à répéter sans réfléchir ce que l’on entend, on risque
de passer pour un perroquet. Mais notre ministre n’en est pas à son coup
d’essai et je lui avais donné une belle place dans une chronique en novembre
2015 où l’on pouvait admirer la candeur charmante de celle qui deviendra
ministre après avoir embarqué dans les fourgons de l’enmarchisme ; elle
arrivait à faire passer l’ENA pour un bouc émissaire avec une fraicheur de
petit prince qui aurait demandé qu’on lui dessinât une chèvre.
Car si une chose est certaine, c’est que
maintenant elle va pouvoir resservir à plusieurs sauces son expression
shopping. Par exemple devant son commissaire principal Juncker à Bruxelles qui
fut en son temps boutiquier du shopping fiscal, incitant de manière douteuse
les entreprises internationales à faire leurs emplettes auprès des percepteurs
grand-ducaux. Par exemple aussi devant les patrons des grandes entreprises qui
font leur shopping social en délocalisant dans les pays où la main d’œuvre et les
charges salariales sont les plus faibles. Evidemment, on ne peut reprocher aux
riches de faire du shopping, ils en ont les moyens financiers.
Et c’est bien à ce terme de shopping que l’on
voit poindre le caractère mercantile de notre ministre, elle fait peut-être
partie de ces gens pour qui jouir ne suffit pas car il leur faut aussi posséder.
C’est un choix judicieusement orienté que de l’envoyer auprès des mercenaires
de la commission de cette Europe ex-marché commun.
On voit par-là que les marchands ne sont pas près
d’être chassés du temple.
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