Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour.
Il est revenu le temps des cerises et, avec lui, le temps des vide-greniers.
Les samedis et dimanches, les organisateurs et les exposants guettent les
moindres dires de la météo nationale et les employés municipaux affûtent leurs
barrières Nadar, dites aussi barrières Vauban.
C’est ainsi que j’aime à me promener dans ces
hauts lieux de la récupération, de la fouille, du bric-à-brac et de la chine et
ce n’est pas le moindre des plaisirs que de négocier avec bagou quelque morceau
de métal ou quelque plat en porcelaine et je me souviens avoir négocié un jour
un lavabo dépourvu de robinet et de bonde en déclarant au vendeur
qu’ « un truc pareil, ça s’vend comme les cercueils à deux
places ! » Le vendeur, tout à son étonnement, accepta mes deux pièces
de deux en paiement de son appareil sanitaire qu’il avait affiché au prix
exorbitant de vingt euros. Mais je me suis quand même coltiné le lavabo sous le
bras pendant deux kilomètres afin de le déposer dans mon véhicule. J’avais
aussi négocié, au début des années 70, un casque de la première guerre pour le
montant de vingt centimes car cela me permit de monter une collection avec
celui de mon grand-père et un autre casque servant à la ferme pour protéger le
crâne du gauleur de noix. Aussi, sur le même principe, je me trouvai en 2010 à
la tête d’une collection d’une quarantaine de casques que je revendis à un
amateur pour le prix qu’il m’en offrait, à savoir un petit prix. A petit
placement, petite plus-value…
Mais le moindre des régals est aussi de voir les
visiteurs s’extasier, tels que les décrivait Philippe Delerm, sorte de
philosophe minimaliste et fonctionnaire, devant une paire de chandeliers en
s’exclamant : « ma grand-mère avait les mêmes ! ». Bien
sûr, dans toute cette brocante on retrouve les reliefs d’une société révolue
qui auraient enchantés Roland Barthes ou Georges Pérec par les mythologies et
les souvenirs véhiculés.
Mais dans toutes ces vieilleries, il n’y a pas
que le bon goût qui prime, pour autant que le bon goût se laisse définir. De
hideuses soupières en porcelaine posées sur un sous-plat du même métal et
surmontées d’un couvercle lui aussi couronné de roses en forme d’artichaut
côtoient des peintures et des reproductions insignifiantes mais ne sont-elles
pas le repoussoir idéal pour les perles que l’on peut dénicher ? Je me
souviens aussi qu’ayant une dilection particulière pour les disques 33 tours
dits aussi « vinyles », je débusquai un jour un de ces disques de
moyenne dimension en musique classique sur lequel, parmi plusieurs morceaux, il
y avait une ouverture burlesque du musicien Méhul, pour deux mirlitons et
orchestre. J’en fis l’acquisition pour la modeste somme d’un demi-euro et ce
petit morceau de musique est resté dans mon cœur comme une merveille qui me
réjouit à chaque fois que je l’écoute : il faut dire que le mirliton est
le seul et unique instrument de musique dont j’ai réussi à jouer avec succès au
cours de ma déjà longue existence. Merci à Méhul et à mon bénéfique vendeur.
On voit par-là que si ma grand-mère avait les
deux mêmes, elle aurait bien pu aimer les oiseaux.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire