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dimanche 24 juin 2018

Chronique de Serres et d’ailleurs III (39)


Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Il est revenu le temps des cerises et, avec lui, le temps des vide-greniers. Les samedis et dimanches, les organisateurs et les exposants guettent les moindres dires de la météo nationale et les employés municipaux affûtent leurs barrières Nadar, dites aussi barrières Vauban.
C’est ainsi que j’aime à me promener dans ces hauts lieux de la récupération, de la fouille, du bric-à-brac et de la chine et ce n’est pas le moindre des plaisirs que de négocier avec bagou quelque morceau de métal ou quelque plat en porcelaine et je me souviens avoir négocié un jour un lavabo dépourvu de robinet et de bonde en déclarant au vendeur qu’ « un truc pareil, ça s’vend comme les cercueils à deux places ! » Le vendeur, tout à son étonnement, accepta mes deux pièces de deux en paiement de son appareil sanitaire qu’il avait affiché au prix exorbitant de vingt euros. Mais je me suis quand même coltiné le lavabo sous le bras pendant deux kilomètres afin de le déposer dans mon véhicule. J’avais aussi négocié, au début des années 70, un casque de la première guerre pour le montant de vingt centimes car cela me permit de monter une collection avec celui de mon grand-père et un autre casque servant à la ferme pour protéger le crâne du gauleur de noix. Aussi, sur le même principe, je me trouvai en 2010 à la tête d’une collection d’une quarantaine de casques que je revendis à un amateur pour le prix qu’il m’en offrait, à savoir un petit prix. A petit placement, petite plus-value…
Mais le moindre des régals est aussi de voir les visiteurs s’extasier, tels que les décrivait Philippe Delerm, sorte de philosophe minimaliste et fonctionnaire, devant une paire de chandeliers en s’exclamant : « ma grand-mère avait les mêmes ! ». Bien sûr, dans toute cette brocante on retrouve les reliefs d’une société révolue qui auraient enchantés Roland Barthes ou Georges Pérec par les mythologies et les souvenirs véhiculés.
Mais dans toutes ces vieilleries, il n’y a pas que le bon goût qui prime, pour autant que le bon goût se laisse définir. De hideuses soupières en porcelaine posées sur un sous-plat du même métal et surmontées d’un couvercle lui aussi couronné de roses en forme d’artichaut côtoient des peintures et des reproductions insignifiantes mais ne sont-elles pas le repoussoir idéal pour les perles que l’on peut dénicher ? Je me souviens aussi qu’ayant une dilection particulière pour les disques 33 tours dits aussi « vinyles », je débusquai un jour un de ces disques de moyenne dimension en musique classique sur lequel, parmi plusieurs morceaux, il y avait une ouverture burlesque du musicien Méhul, pour deux mirlitons et orchestre. J’en fis l’acquisition pour la modeste somme d’un demi-euro et ce petit morceau de musique est resté dans mon cœur comme une merveille qui me réjouit à chaque fois que je l’écoute : il faut dire que le mirliton est le seul et unique instrument de musique dont j’ai réussi à jouer avec succès au cours de ma déjà longue existence. Merci à Méhul et à mon bénéfique vendeur.
On voit par-là que si ma grand-mère avait les deux mêmes, elle aurait bien pu aimer les oiseaux.

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