Pijm
remonte dans sa voiture et fait demi-tour. Au bout du chemin, il reprend la
route vers Luxignac. Un peu plus loin, il se gare dans une entrée de champ.
Cette maison lui a donné le tournis et c’est la première fois que cela lui
arrive. Non seulement les dimensions imposantes de la maison, des pièces et des
alentours l’impressionnent mais encore il sent une atmosphère énigmatique dont
il croit avoir quelques effluves sur ses vêtements. Pour lui, Pijm, l’absence
de vie dans cette maison, ce petit château, n’est qu’apparente et, même
dépouillée de son ameublement, elle lui semble avoir une vie propre.
Il
repense à cette porte restée ouverte. Il frissonne à l’idée de revenir dans
cette maison cette nuit. Il sait très bien que c’est une sorte de violation de
domicile, même si la maison est inhabitée. Il est quelqu’un de posé,
respectueux des lois et des convenances. Mais il y a pour lui une attirance
tellement forte qu’il ne peut abandonner cette idée.
Il
sort de la voiture et allume une cigarette. Son regard erre sur les champs de
tournesol. Il tire quelques bouffées et se remet au volant. Sa décision est
prise. Il reviendra cette nuit dans la maison
*
En
chemin, il réfléchit. Christian est absent l’après-midi, mais rien ne permet de
penser que Thérèse l’accompagne. Si Pijm veut entrer dans la maison, il ne peut
en aucun cas passer devant la maison de gardien en voiture. Mais pas plus à
pied, pense-t-il. Le chemin continue après la maison, il aboutit certainement quelque
part, mais encore faut-il savoir où. Le mieux est d’acheter une carte au
25.000ème, une carte de randonnée. Ou bien, s il y a un cybercafé à Luxignac,
Pijm peut aller voir sur le net. Ou les deux. Quoiqu’il en soit, il doit passer
par Luxignac pour rejoindre sa femme et ses deux filles. Il ne sait pas encore sous
quel prétexte il s’absentera ce soir, mais il trouvera. Il sait bien qu’il
n’est pas indispensable, ses femmes n’ont pas besoin de lui pour passer la
soirée.
A
Luxignac, le marchand de journaux vend effectivement des cartes de randonnée et
la section Luxignac va fort heureusement jusqu’à Bourgnazan. Après l’achat de
cette carte et d’une pile pour sa lampe de poche, Pijm s’informe au sujet de ce
cybercafé dont il a entendu parler et il s’y rend à pied.
*
De
l’extérieur, le café semble exigu, mais à l’intérieur il y a une sorte d’entrée
avec un bar. Sur l’arrière, des ordinateurs sont installés dans une véranda
lumineuse. Pijm prend connaissance des conditions d’utilisation et s’installe
face à un écran. En s’aidant de sa carte, il repère La Furetière et son chemin
d’accès. Sur la carte, le chemin fait une fourche une centaine de mètres après
la porte d’entrée de la cuisine. Un bras part à gauche et se divise encore,
apparemment en descendant dans la vallée, et un autre bras part sur la droite pour
rejoindre une petite route qui vient de la route Bourgnazan-Luxignac. Sur la
vue satellite, il semble que ce chemin ne passe devant aucune maison, qu’il
traverse surtout des bois et qu’il est praticable au moins à pied. Pijm arrête
sa consultation, il va au bar, demande un café et, voyant qu’ils ont des
sandwiches, en commande un. Il est intérieurement surexcité et il a besoin de
se calmer un peu avant de retrouver sa famille. Il a de la chance, le jeune
homme qui tient le cybercafé est en veine de discussion et Pijm en profite pour
se renseigner sur la région. C’est ainsi qu’il apprend que Luxignac n’est pas
dans le même département que Bourgnazan et qu’il se rend compte que la limite
départementale doit passer non loin de La Furetière. Au bout d’une demi-heure,
il repart pourvu de plaquettes touristiques et de dépliants.
Il
est bien plus serein lorsqu’il arrive au lac et il en profite même pour se
baigner, jouir du soleil et jouer au ballon dans l’eau avec ses filles.
Il
revient sur la plage de sable fin, se sèche, se rhabille et s’installe sur une
couverture à coté de sa femme.
-
Alors, tu as vu des choses intéressantes ?
Demande Lisa.
-
Oui, oui, et j’ai même un rendez-vous ce soir
vers dix heures pour plus de renseignements, répond Pijm, content d’aborder le
sujet.
-
Mais as-tu l’intention d’acheter un jour une
maison dans le sud de la France ? Je ne pense pas que ce soit dans nos
moyens, même si cela est agréable. Et cela nous obligerait à revenir chaque
année au même endroit.
-
Tu sais, je ne vais pas voir des maisons pour
nous, mais nous avons beaucoup d’amis…
-
Je sais que tu montre les résultats de tes
visites à tes amis, mais ils se contentent de regarder les photos…
-
Bien sûr, Lisa, mais tu sais que cela
m’intéresse toujours ces visites.
-
Oui, je le sais, mais je pense parfois que tu
fais perdre du temps à tous ces gens qui acceptent de te faire visiter leur
maison.
-
C’est le commerce, Lisa, il y a beaucoup de gens
qui regardent des choses qu’ils ne veulent pas acheter. Et puis, un jour, il y
en a un qui achète et le commerçant est content.
-
Oui, mais ce ne sont pas des commerçants, ce
sont des gens comme nous, simplement ils vendent leur maison, objecte Lisa.
-
Alors je dis que moi je suis un commerçant et
que je fais comme un commerçant, conclut sans grâce Pijm.
(à suivre...)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire