A six heures et demie, toute la famille
revient à la voiture et part pour Bourgnazan où les attend Madame Latinian avec
un repas de saison : melon, tomates, aubergines, courgettes et poivrons,
sans oublier l’ail et l’oignon, sont de la fête. Ensuite Pijm, Lisa, Luie et
Tina vont faire un tour dans le village,
regarder les joueurs de pétanque et discuter avec d’autres touristes à la
terrasse du café. Vers dix heures, ils reviennent chez Madame Latinian et
montent dans les chambres. Pijm se prépare à repartir et Lisa lit encore un peu
avant de se coucher.
Pijm
redescend et signale à Madame Latinian qu’elle ne s’inquiète pas, il a un
rendez-vous et rentrera peut-être un peu tard. Celle-ci lui donne une clé de la
porte d’entrée. Pijm salue l’hôtesse et remonte dans sa voiture.
*
Pijm
reprend la direction de Luxignac. Il roule lentement et cherche à droite la
petite route sur laquelle doit déboucher le chemin qui vient de La Furetière.
Une voiture arrive derrière lui, il ralentit encore et met le clignotant à
droite pour laisser la voiture le dépasser. Enfin il trouve une petite route.
Il n’y a aucun panneau, mais il lui semble que c’est bien cette route. Il
allume le plafonnier et jette un coup d’œil sur la carte. Ce doit être cela, il
prend donc cette direction. Un premier virage à droite, puis un second sur la
gauche, un autre encore à droite et il repère un chemin qui part entre un champ
de tournesol et un verger de pruniers. Il s’engage doucement sur ce chemin et
avance d’une centaine de mètres au bout desquels le chemin tourne à gauche puis
s’enfonce dans les bois. Juste avant le bois, il y a une sorte de lisière
enherbée sur laquelle il gare sa voiture. Il descend et prend sa carte et la
lampe de poche dans laquelle il prend la précaution de mettre la pile neuve. Il
ferme la voiture et part dans le bois. Maintenant, il se sent partir à
l’aventure.
Malgré
l’heure, la chaleur est lourde. Le ciel est dégagé, mais au loin quelques
nuages noirs paraissent vouloir monter.
Il y
a un peu de lune, le bois est sombre et beau, Pijm passe dans un tunnel de branches
et de feuilles. Il espère ne pas troubler une faune dangereuse, il compte sur
sa lampe pour intimider les bêtes sauvages, enfin il ne sait pas trop… S’il ne
sait pas exactement où il va, il se dit qu’il y va. Le temps lui semble long
dans cette forêt, le chemin est assez praticable mais ici et là des ronces s’accrochent
à ses vêtements.
Il
avance maintenant dans un chemin creux au sol nu. Ce chemin doit servir de
fossé par temps de fortes pluies et les eaux en s’y écoulant ravinent le
terrain et arrachent les plantules, laissant juste un sol de terre argileuse et
de cailloux calcaires. Il arrive à un embranchement en patte d’oie. Un chemin s’enfonce
plus encore dans les bois sur la gauche et un chemin un peu plus dégagé descend,
bordé d’un profond fossé sur la droite. Pas d’erreur, cette fourche est bien
sur la carte de randonnée, les deux chemins y figurent. Rassuré, il prend le
chemin de gauche, il suit son itinéraire. Un coup d’œil sur sa montre lui indique
qu’il marche depuis plus d’un quart d’heure.
Le
chemin maintenant est bordé sur la gauche par un talus qui fait au moins deux
mètres de haut, assez escarpé. Sur la droite, petit à petit, Pijm commence à
distinguer qu’il est au bord d’un ravin dont il ne peut estimer la profondeur.
Une
légère angoisse le prend : est-il une sorte de malfaiteur arrivant sur les
lieux de son forfait ? « Allons, se dit-il, je ne viens rien voler,
rien détruire et je ne commets aucune effraction ».
Il
continue d’avancer et se retrouve dans un lieu plus dégagé et plus large en
forme de patte d’oie d’où partent trois chemins. Ce n’est pas prévu sur la
carte. Il ne doit y avoir que deux chemins qui partent d’ici. Comme il est
prévu de prendre sur la gauche, il décide de prendre le premier chemin sur la
gauche. Ce chemin monte un peu et au bout d’une cinquantaine de mètres débouche
dans un champ déchaumé, sans qu’il paraisse continuer. Il revient donc sur ses
pas et prend alors le chemin du milieu. Celui-ci part à plat, puis tourne à
gauche en suivant un muret en pierres calcaires. Il lui semble voir se profiler
la tour un peu plus loin. Il n’ose pas éclairer trop devant lui, il préfère
éviter d’attirer l’attention.
Maintenant
la silhouette de la tour se précise ainsi que la masse longue et sombre de la
maison. Il passe devant la porte de la cuisine et continue de longer la façade.
Le calme, le vide, le silence, enveloppent les bâtiments d’un halo étrange et
un faible quartier de lune souffle une clarté légère, presque phosphorescente.
Il
longe toute la maison et se met à l’abri des écuries d’où il peut observer les
lieux. Il sait qu’il va franchir un pas.
Il
allume discrètement une cigarette pour dissiper son angoisse. Il regrette de
n’avoir pas eu un ami fiable pour l’accompagner dans cette aventure. Il est
toujours plus facile de braver les interdits à plusieurs, pense-t-il.
*
(à suivre...)
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