En vedette !

jeudi 14 juin 2018

Le temps de l'éternité (7)



 A six heures et demie, toute la famille revient à la voiture et part pour Bourgnazan où les attend Madame Latinian avec un repas de saison : melon, tomates, aubergines, courgettes et poivrons, sans oublier l’ail et l’oignon, sont de la fête. Ensuite Pijm, Lisa, Luie et Tina  vont faire un tour dans le village, regarder les joueurs de pétanque et discuter avec d’autres touristes à la terrasse du café. Vers dix heures, ils reviennent chez Madame Latinian et montent dans les chambres. Pijm se prépare à repartir et Lisa lit encore un peu avant de se coucher.

Pijm redescend et signale à Madame Latinian qu’elle ne s’inquiète pas, il a un rendez-vous et rentrera peut-être un peu tard. Celle-ci lui donne une clé de la porte d’entrée. Pijm salue l’hôtesse et remonte dans sa voiture.

*

Pijm reprend la direction de Luxignac. Il roule lentement et cherche à droite la petite route sur laquelle doit déboucher le chemin qui vient de La Furetière. Une voiture arrive derrière lui, il ralentit encore et met le clignotant à droite pour laisser la voiture le dépasser. Enfin il trouve une petite route. Il n’y a aucun panneau, mais il lui semble que c’est bien cette route. Il allume le plafonnier et jette un coup d’œil sur la carte. Ce doit être cela, il prend donc cette direction. Un premier virage à droite, puis un second sur la gauche, un autre encore à droite et il repère un chemin qui part entre un champ de tournesol et un verger de pruniers. Il s’engage doucement sur ce chemin et avance d’une centaine de mètres au bout desquels le chemin tourne à gauche puis s’enfonce dans les bois. Juste avant le bois, il y a une sorte de lisière enherbée sur laquelle il gare sa voiture. Il descend et prend sa carte et la lampe de poche dans laquelle il prend la précaution de mettre la pile neuve. Il ferme la voiture et part dans le bois. Maintenant, il se sent partir à l’aventure.
Malgré l’heure, la chaleur est lourde. Le ciel est dégagé, mais au loin quelques nuages noirs paraissent vouloir monter.
Il y a un peu de lune, le bois est sombre et beau, Pijm passe dans un tunnel de branches et de feuilles. Il espère ne pas troubler une faune dangereuse, il compte sur sa lampe pour intimider les bêtes sauvages, enfin il ne sait pas trop… S’il ne sait pas exactement où il va, il se dit qu’il y va. Le temps lui semble long dans cette forêt, le chemin est assez praticable mais ici et là des ronces s’accrochent à ses vêtements.
Il avance maintenant dans un chemin creux au sol nu. Ce chemin doit servir de fossé par temps de fortes pluies et les eaux en s’y écoulant ravinent le terrain et arrachent les plantules, laissant juste un sol de terre argileuse et de cailloux calcaires. Il arrive à un embranchement en patte d’oie. Un chemin s’enfonce plus encore dans les bois sur la gauche et un chemin un peu plus dégagé descend, bordé d’un profond fossé sur la droite. Pas d’erreur, cette fourche est bien sur la carte de randonnée, les deux chemins y figurent. Rassuré, il prend le chemin de gauche, il suit son itinéraire. Un coup d’œil sur sa montre lui indique qu’il marche depuis plus d’un quart d’heure.


Le chemin maintenant est bordé sur la gauche par un talus qui fait au moins deux mètres de haut, assez escarpé. Sur la droite, petit à petit, Pijm commence à distinguer qu’il est au bord d’un ravin dont il ne peut estimer la profondeur.
Une légère angoisse le prend : est-il une sorte de malfaiteur arrivant sur les lieux de son forfait ? « Allons, se dit-il, je ne viens rien voler, rien détruire et je ne commets aucune effraction ».
Il continue d’avancer et se retrouve dans un lieu plus dégagé et plus large en forme de patte d’oie d’où partent trois chemins. Ce n’est pas prévu sur la carte. Il ne doit y avoir que deux chemins qui partent d’ici. Comme il est prévu de prendre sur la gauche, il décide de prendre le premier chemin sur la gauche. Ce chemin monte un peu et au bout d’une cinquantaine de mètres débouche dans un champ déchaumé, sans qu’il paraisse continuer. Il revient donc sur ses pas et prend alors le chemin du milieu. Celui-ci part à plat, puis tourne à gauche en suivant un muret en pierres calcaires. Il lui semble voir se profiler la tour un peu plus loin. Il n’ose pas éclairer trop devant lui, il préfère éviter d’attirer l’attention.
Maintenant la silhouette de la tour se précise ainsi que la masse longue et sombre de la maison. Il passe devant la porte de la cuisine et continue de longer la façade. Le calme, le vide, le silence, enveloppent les bâtiments d’un halo étrange et un faible quartier de lune souffle une clarté légère, presque phosphorescente.
Il longe toute la maison et se met à l’abri des écuries d’où il peut observer les lieux. Il sait qu’il va franchir un pas.
Il allume discrètement une cigarette pour dissiper son angoisse. Il regrette de n’avoir pas eu un ami fiable pour l’accompagner dans cette aventure. Il est toujours plus facile de braver les interdits à plusieurs, pense-t-il.

*
(à suivre...)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire