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dimanche 15 juillet 2018

Chroniques de l'été 2018 (1)

Absenta, vert délire

En cet ombreux jardin où fleurit la viorne
Bel obier près duquel hennit la licorne
Parfois passent des brumes en flocons moroses
Qui au soir éclatent, font briller les roses
La hampe des glaïeuls, la mousse du sentier
Et dans le breuvage trouble de l’absinthier
Posent goutte à goutte le liquide sucré
Qui lui apportera tous ses rêves nacrés
Auxquels oncques il revient ; là son désir le porte
Car il lui donnera à voir toutes les sortes
D’étranges végétaux autant que d’animaux,
Et d’êtres plus qu’humains, perchés dans leurs/ vaisseaux
Lestrygons, Cyclopes, magiciens et devins,
Sorcières et fées, naïades dans leur bain.

(Refrain) :
Les ombres s’allongent dans les profonds buissons
Le son des mirlitons vient du fond d’un salon
Les lumières réverbèrent les verres des lampadaires
Les pierres reflètent de blêmes luminaires
La lune s’allume en costume de brume
De furtives rumeurs murmurent leur écume
En cet ombreux jardin vole le lémure
Dans le boueux bassin flotte le silure ;
La douce fée verte libère son arôme ;
La vipère ondule et glisse dans les arums
Les noirs araucarias, désespoirs des singes
Hérissent leurs branches près d’augustes sphinges
Qui de leurs énigmes étouffent le passant
Des coquecigrues volent tout en sifflant
Griffons et basilics jouent et s’ébattent
Mordant, hurlant, griffant de vifs coups de pattes.
Dragons, salamandres, l’un qui crache le feu
L’autre le traverse de son derme écailleux
Phénix et manticores, chimères, lucioles
Dansent tarentelles, sarabandes folles.

(Refrain)

En cet ombreux jardin il croise Ahasverus
Et la Baba Yaga sorcière des isbas russes.
Près de la fontaine Abizendegani,
Eau d’immortalité et fontaine de vie,
La fée Titania, le grand roi Obéron
Vident leur querelle près d’Uther Pendragon
Et des mandragores dont poussent les pivots
Près du triste gibet sous les frères Zoto.
Le parfum du buisson de l’artemisia
Flotte et couvre celui des frêles cattleyas
Le plateau en cristal rend un son aigrelet
La main du rhapsode saisit le gobelet
Le vide et l’échappe, le verre se brise
Le poète s’endort, bercé par la brise.

(Refrain)

© Pierre Jooris, 2017.

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