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jeudi 5 juillet 2018

Le temps de l'éternité (10)



A ce moment, Pijm ne peut s’empêcher d’ouvrir un peu plus la porte et la scène disparaît, plus de lumière, plus de meubles, plus que la salle à manger vide. Il est hébété, comme au sortir d’un rêve et il cherche à se repérer. Il tente de rallumer sa lampe qui donne un mince filet de lumière. Il pense qu’il doit ressortir de cette étrange maison, mais il voit un peu de lumière vers l’office et ne peut s’empêcher de s’en approcher. La pièce est très légèrement éclairée et il voit au fond la porte de l’escalier qui monte dans la tour. Cette porte est ouverte, Pijm se sent attiré vers l’escalier qu’il monte en s’éclairant comme il peut avec sa lampe défaillante. Il arrive dans la bibliothèque aux rayonnages vides, la porte qui donne vers l’étage est ouverte aussi et une lumière semble éclairer le vieil escalier. Pijm regarde vers le haut et il voit des petites silhouettes blafardes, sur le palier, penchées au-dessus de la rampe. C’en est trop pour lui, il se retourne et, toujours aidé de sa modeste lampe, cherche l’escalier pour redescendre à l’office. Une vive lueur éclaire la bibliothèque, suivie peu après d’un roulement de tonnerre. Pijm entend des plaintes qui viennent de l’étage. L’orage éclate et les éclairs donnent assez de lumière pour que Pijm puisse dévaler l’escalier, il trébuche dans l’office, fonce dans le couloir et, arrivé au fond, ouvre la porte et sort. Il ne pleut pas encore, mais Pijm pense qu’il a intérêt à partir vite. Il ferme la porte, repousse le volet sans s’inquiéter du bruit et reprend le chemin qui passe devant la maison. Le tonnerre s’est calmé, Pijm passe devant la fenêtre de la salle à manger, une lumière attire son attention.
Il sent ses cheveux se hérisser.
Derrière la fenêtre, il aperçoit, très droite, une religieuse avec une grande cornette, au visage comme de marbre blanc, hiératique, impassible. Pijm la voit de profil. La silhouette se détache, sombre et rayonnante.  La religieuse, impassible, passe devant la fenêtre de gauche puis, comme s’il n’y avait ni murs ni cloisons, elle poursuit son chemin, passe devant la fenêtre de la petite chambre, devant la porte d’entrée, puis devant la fenêtre de la première grande chambre. A ce moment, Pijm aperçoit à la fenêtre de droite de la salle à manger une femme au visage pâle et triste, les cheveux défaits, qui le regarde, implorante.
Il n’en peut plus et part en courant. Un éclair illumine toute la maison, suivi aussitôt d’un coup de tonnerre formidable. Il court, trébuche puis tente de rallumer sa lampe qui redonne une lumière normale. Il ne reconnaît plus les lieux. Il ne sait pas s’il est sur le bon chemin. Il s’arrête pour reprendre ses esprits et réfléchit : s’il s’est trompé, peu importe, car chaque chemin fait une boucle et revient vers le chemin initial. Il faut qu’il parte, qu’il retrouve sa voiture, son lit, sa femme, sa famille. Il se dit qu’il est fou de jouer ainsi avec le feu.
Pijm repart. Le chemin descend, cela l’inquiète un peu, mais soit, il continue, et tombe sur un autre imprévu : un sentier part sur la droite. Il décide de le prendre. Il descend encore et finit par arriver dans un vallon où le sentier tourne encore sur la droite en remontant. Un nouvel éclair illumine toute la vallée et Pijm voit devant lui, au bord d’un profond fossé, un pan de mur en ruine. 
(à suivre...)

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