L’aigle foudroyé
Ainsi l’aigle vole, planant en majesté
Par-dessus les zéphyrs, la penne étirée.
Au coup d’aile souple, il glatit, l’oeil aigu
Défiant le soleil, défiant la nue
Ni flèche ni fusil oncques ne l’atteindront
Il vogue dans l’orage, frère de l’aquilon
L’ouragan le saisit, il reste impassible
Vents, pluies ou nuages en feront leur cible
Le tonnerre gronde, l’aigle le méprise
Il louvoiera encore visant toujours sa prise
Et viennent les éclairs, frappe la foudre
Les rafales cognent et l’air sent la poudre
Il dédaigne sans peur poussant son vol hautain
Son oeil toujours le tire vers l’horizon lointain
Les cieux électrisés enivrent son âme
Sans même se brûler il traverse la flamme.
Soudain fulgurante, et plus brutale encore
Une lueur déflagrante, explosion
Tout autre que l’aigle serait donné pour mort,
Ou aveugle ou muet, brûlé d’émotion.
Il poursuit encore, empli de lumière
L’indicible est en lui, il est seul dans les airs.
Tu étais cet aigle, tu as volé si loin,
Ailes déployées, les poumons grands et pleins
Surplombant les sommets tu as volé si haut
Dans cet air dur et clair, frais et toujours nouveau.
Volant hors de portée, loin des tiens, loin de tout
Si proche du soleil qu’ils t’auraient pris pour fou.
Cet aigle tu le fus, tu as volé si fort
Dans ton bel horizon qui ne connait nul bord
L’air que tu respirais, cet éther infini
Emplissait tes poumons au soleil de midi.
L’orage en toi aussi est entré et sorti
Maintenant tu connais le savoir infini
Tu es celui qui voit sans pouvoir décrire
Maintenant tu sais mais ne peux rien dire
Ta progéniture a-t-elle saisi le sens,
Ou est-elle sourde à ce que tu penses ?
Tu es seul dans le ciel et seul sur ton erre
Tu rejoins tes aiglons nichés dans ton aire
Une part de ton être leur reste accessible
Ta part de lumière leur reste invisible
Tu as encore un coeur que tu gardes pour eux
Mais ton âme est restée accroché aux cieux.
© Pierre Jooris, 2017.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire