En vedette !

dimanche 1 juillet 2018

Chronique de Serres et d’ailleurs III (40)


Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Il est revenu le temps des cerises et, avec lui, le temps des marchés gourmands, des marches gourmandes et même des randonnées dites gastronomiques. Il n’est pas certain que la gastronomie soit toujours au rendez-vous, si tant est qu’étymologiquement la gastronomie soit l’art de gérer l’estomac mais foin de telles subtilités, on n’est pas là pour se faire estomaquer.
Je laisserai de côté les marchés gourmands qui sont l’art d’aller manger sur des tréteaux et dans des assiettes en carton pour aussi cher qu’au restaurant en suivant la foule sinon sentimentale, tout au moins stomacale. Car les marchés dits gourmands sont aussi une manière agréable de faire du gras et de prendre des kilos. Et quand on y réfléchit bien, la graisse étant plus légère que l’eau, il faut bien du volume de cellulite pour faire des kilos.
Parlons plutôt de la marche qui est un des grands moyens de la liberté de l’être humain. En effet, le souffle, la nutrition et les autres activités primaires humaines nous viennent dans les premiers instants de notre vie mais nous n’acquérons la marche qu’après dix ou douze mois en général et c’est elle qui nous permet le déplacement vraiment autonome. C’est un bien triste handicap que de ne pas pouvoir marcher et la marche est une pratique qui remonte à la plus haute antiquité puisque l’énigme du sphinx que résolut Œdipe portait précisément sur cet animal qui marche sur quatre pattes puis sur deux puis sur trois, l’homme.  Nietzsche disait que les grandes pensées ne nous viennent qu'en marchant et, même si nous ne pouvons atteindre les sommets visés par ce philosophe, nous pouvons tous espérer grandir notre pensée en pratiquant la marche. Car la marche n’est ni une discipline ni un sport mais c’est une activité humaine au sens propre car avec tous les moyens de locomotion, vélo, cheval, train avion ou autre, on se déplace alors que par la marche c’est l’univers entier qui se porte à notre rencontre.
Alors venons-en à ces marches gourmandes et ces randonnées gastronomiques. J’ai souvent trouvé bien intéressant et agréable de participer à des marches organisées, on partait avec son petit sac à dos, sa bouteille d’eau, sa pomme, quelques sucres et un quignon de pain sinon un vrai casse-croûte. Sans oublier le bâton car je suis un adepte du bâton pour marcher. Non de ces élégants et rutilants sticks de marche nordique qui vous propulseraient d’Oslo à Rovaniemi mais un solide et rustique bâton, de préférence en châtaignier comme le préconisait Hildegarde von Bingen et de préférence en forme de crochet pour faire descendre les branches des généreux cerisiers afin d’en déguster quelques fruits. Mais moi qui ai déjà testé les marches gourmandes ou gastronomiques, j’en suis bien revenu. En effet, le principe en est simple et, pour une randonnée de 15 ou 20 kilomètres par exemple, il y a environ à mi-parcours une gloriette où quelque producteur de pays propose diverses agréables nourritures et boissons froides ou chaudes. S’il était possible d’arriver dans les tous premiers à cette étape, tout irait pour le mieux mais, quoique vous fassiez, vous trouverez toujours un agglutinement de petits malins qui squattent le présentoir et, après une ou deux heures de marche, vous voilà obligé de jouer des coudes pour profiter quelque peu des mets proposés. D‘autant plus que ceux qui tiennent le stand ne se précipitent guère pour vous faire passer les plateaux, désireux qu’ils sont d’en garder quelque stock pour les suivants. Vous vous contentez donc d’un grand verre d’eau et vous poursuivez votre marche, laissant, à l’image de notre société, les autres s’empiffrer et faire du lard. Et surtout ne tentez pas l’exercice d’arriver dans les derniers en espérant trouver quelque place de libre car vous en trouverez, certes, mais tout aura disparu et il vous restera à sauter à la corde.
On voit par-là que la gourmandise est un vilain défaut et la gastronomie une belle illusion.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire