Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour.
Il est revenu le temps des cerises et, avec lui, le temps des marchés
gourmands, des marches gourmandes et même des randonnées dites gastronomiques.
Il n’est pas certain que la gastronomie soit toujours au rendez-vous, si tant
est qu’étymologiquement la gastronomie soit l’art de gérer l’estomac mais foin
de telles subtilités, on n’est pas là pour se faire estomaquer.
Je laisserai de côté les marchés gourmands qui
sont l’art d’aller manger sur des tréteaux et dans des assiettes en carton pour
aussi cher qu’au restaurant en suivant la foule sinon sentimentale, tout au
moins stomacale. Car les marchés dits gourmands sont aussi une manière agréable
de faire du gras et de prendre des kilos. Et quand on y réfléchit bien, la
graisse étant plus légère que l’eau, il faut bien du volume de cellulite pour
faire des kilos.
Parlons plutôt de la marche qui est un des grands
moyens de la liberté de l’être humain. En effet, le souffle, la nutrition et
les autres activités primaires humaines nous viennent dans les premiers
instants de notre vie mais nous n’acquérons la marche qu’après dix ou douze
mois en général et c’est elle qui nous permet le déplacement vraiment autonome.
C’est un bien triste handicap que de ne pas pouvoir marcher et la marche est
une pratique qui remonte à la plus haute antiquité puisque l’énigme du sphinx
que résolut Œdipe portait précisément sur cet animal qui marche sur quatre
pattes puis sur deux puis sur trois, l’homme. Nietzsche disait que les grandes pensées ne nous
viennent qu'en marchant et, même si nous ne pouvons atteindre les sommets visés
par ce philosophe, nous pouvons tous espérer grandir notre pensée en pratiquant
la marche. Car la marche n’est ni une discipline ni un sport mais c’est une
activité humaine au sens propre car avec tous les moyens de locomotion, vélo,
cheval, train avion ou autre, on se déplace alors que par la marche c’est l’univers
entier qui se porte à notre rencontre.
Alors venons-en à ces marches gourmandes et ces
randonnées gastronomiques. J’ai souvent trouvé bien intéressant et agréable de
participer à des marches organisées, on partait avec son petit sac à dos, sa
bouteille d’eau, sa pomme, quelques sucres et un quignon de pain sinon un vrai
casse-croûte. Sans oublier le bâton car je suis un adepte du bâton pour
marcher. Non de ces élégants et rutilants sticks de marche nordique qui vous
propulseraient d’Oslo à Rovaniemi mais un solide et rustique bâton, de
préférence en châtaignier comme le préconisait Hildegarde von Bingen et de
préférence en forme de crochet pour faire descendre les branches des généreux
cerisiers afin d’en déguster quelques fruits. Mais moi qui ai déjà testé les
marches gourmandes ou gastronomiques, j’en suis bien revenu. En effet, le
principe en est simple et, pour une randonnée de 15 ou 20 kilomètres par
exemple, il y a environ à mi-parcours une gloriette où quelque producteur de
pays propose diverses agréables nourritures et boissons froides ou chaudes.
S’il était possible d’arriver dans les tous premiers à cette étape, tout irait
pour le mieux mais, quoique vous fassiez, vous trouverez toujours un
agglutinement de petits malins qui squattent le présentoir et, après une ou
deux heures de marche, vous voilà obligé de jouer des coudes pour profiter
quelque peu des mets proposés. D‘autant plus que ceux qui tiennent le stand ne
se précipitent guère pour vous faire passer les plateaux, désireux qu’ils sont d’en
garder quelque stock pour les suivants. Vous vous contentez donc d’un grand
verre d’eau et vous poursuivez votre marche, laissant, à l’image de notre
société, les autres s’empiffrer et faire du lard. Et surtout ne tentez pas
l’exercice d’arriver dans les derniers en espérant trouver quelque place de
libre car vous en trouverez, certes, mais tout aura disparu et il vous restera
à sauter à la corde.
On voit par-là que la gourmandise est un vilain
défaut et la gastronomie une belle illusion.
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