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dimanche 22 juillet 2018

Chroniques de l'été 2018 (2)


Ainsi

Ainsi le vent soufflait, ainsi l’orage tonnait
Ainsi sur la route la mort nous attendait
Seuls nous avancions, raides insouciants
Oublieux du risque, prêts à courir devant
Ainsi tels des héros, des héros sans aloi
Sans peur, sans reproche, sans courage et sans foi
Demi-dieux pour la frime, géants aux pieds d’argile
Mais ce vent qui soufflait, brûlant dessus la ville
Nous a poussés au loin vers de brumeux chemins
Nous avait réveillés en d’étranges demains
Où l’amour nous frôlait, où la mort nous brûlait
Où notre vie tremblait, où notre âme vibrait.

La route, la route encore
La route comme au son du cor
Cacugne et trapanelle
Jouvenceaux et jouvencelles
Barbus, poilus et mal vêtus
Ils ont marché, ils ont couru
Ils sont allés, ils sont venus
Mais ne sont jamais revenus.

Ainsi l’éclair zébrait, ainsi la pluie tombait
Ainsi sur la route le destin nous visait
Nous roulions sans souci avec la tête vide
L’estomac de même et le regard livide
Loin du qu’en-dira-t-on tout nous était égal.
Loin des cantines blêmes tout nous était régal
Des patates et du pain, des nouilles du riz des pâtes
Filant comme le vent, pas de fil à la patte
Et pour nous arrêter une pompe à essence
Un bistro une bière, vivant sans influence,
Inaliénables, sans dieu et sans maître
Seul et unique but boire des kilomètres.

La route, la route encore
La route comme au son du cor
Cacugne et trapanelle
Jouvenceaux et jouvencelles
Barbus, poilus et mal vêtus
Ils ont marché, ils ont couru
Ils sont allés, ils sont venus
Mais ne sont jamais revenus

Ainsi le temps passait, ainsi l’on vieillissait
Ainsi les jours mouraient, on se ratatinait,
On avait tant couru, on avait tant roulé,
De Pékin à Dehli, Chicago ou Lomé,
La bosse avait roulé, volé et navigué,
Crevés, fatigués, crâne déboussolé
On n’avait rien gagné, on avait tout perdu,
Notre rêve envolé, notre avenir foutu
Plus un sou en poche, plus un espoir en vue
Plus ni crédit ni fauche, nos amours dans les nues
Et sans rien dans les mains pas plus que dans la tête
Quand on a atterri ce n’était plus la fête.

La route, la route encore
La route comme au son du cor
Cacugne et trapanelle
Jouvenceaux et jouvencelles
Barbus, poilus et mal vêtus
Ils ont marché, ils ont couru
Ils sont allés, ils sont venus
Et un jour ils sont revenus



© Pierre Jooris, 2017.

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