Auditrices et auditeurs qui m’écoutez,
bonjour. « Parlez-moi d’moi, y’a qu’ça qui m’intéresse, parlez-moi d’moi,
y’a qu’ça qui m’donne d’l’émoi » chantait Guy Béart à une époque déjà bien
révolue. Dans un élan égotiste impétueux, je vous ai livré deux précédentes
chroniques qui traitaient du sujet et voilà que, tel Narcisse glissant dans
l’eau de la source et au risque de m’y noyer, je vais replonger dans les affres
de la chronique. Car voilà bien le mot dont nous allons parler et tout d’abord,
enquérons-nous de la signification du mot chronique. Loin de mes dictionnaires
chéris, il me restait le Wikipédia, encyclopédie à tout faire de la toile mais
si commode pour les gens pressés ou en voyage. Et que vois-je de prime abord,
je résume bien sûr, je lis qu’une chronique est une maladie qui dure longtemps
et se développe lentement, ou que c’est une chose nuisible qui dure et se
répète. Vous imaginez l’angoisse qu’une telle lecture déclencha en moi jusqu’à
ce que j’aperçusse qu’il s’agissait du mot chronique pris en tant qu’adjectif.
Haut les cœurs, sursum corda comme l’on dit au Vatican, et j’appuyai sur la
flèche de mon intelligentophone (mon smartphone
comme l’on dit Baker street) pour découvrir le sens en tant que substantif de
genre féminin, à savoir qu’il peut s’agir soit d’un recueil de faits
historiques, soit de l’ensemble des nouvelles qui circulent, soit enfin d’une
partie d’un journal consacrée à un sujet particulier. Je fus rassuré et me
portai aussitôt vers des études de cas.
En effet, il y a moult chroniqueurs sur
moult radios, CoolDirect n’étant pas la moindre. Bien sûr, il y a nombre de
chroniques thématiques, médicales, sportives, culinaires, œnologiques,
bricolage et astuces et j’en passe. Mais il y a aussi les chroniques d’actualité
dont la principale radio de service public française ne se prive pas : il
y a certes la politique nationale, la géopolitique, l’économie, le cinéma et
autres sujets sérieux. Mais ce qui est devenu une mode, pour ne pas dire un tic
de société, c’est la chronique qui parle de l’actualité où le chroniqueur, sur
le mode bouffon, crie, hurle, chante, éructe un certain nombre de commentaires
parodiant de loin l’actualité politique. Tout cela sur fond de fou-rires et d’éclats
d’hilarité dont on ne sait s’ils sont préenregistrés ou s’ils sont dus à la
connivence des journalistes présents dans le studio. En définitive, une sauce
peu audible agrémentée à la bienpensance locale. Pour échapper à ce
gloubi-boulga, je revins aussitôt sur ma station préférée en méditant à ce que
pourrait être une chronique généraliste quoique particulière et inversement
réciproquement.
Tout à ma rêverie, je me mis à imaginer
des chroniques qui ressembleraient aux œuvres graphiques de Maurits Cornelis
Escher, cet étonnant dessinateur, graveur et peintre néerlandais. Il a créé un
univers artistique, géométrique et labyrinthique que l’on ne peut explorer qu’en
s’y perdant, un monde où la main droite dessine sa propre main gauche, où les
nuages deviennent des fleurs étonnantes, où des escaliers sans fin aboutissent
dans un infini céleste, où des visages deviennent poissons et où des poissons
deviennent océan, Les perspectives se dilatent, l’œil devient le reflet de la
mort et des fourmis, inlassablement, déambulent sur un anneau de Moebius, comme
pour une éternité dont l’absurdité n’est qu’apparente. Car Escher décrit l’univers
mieux que ne pourrait le faire le réalisme le plus concret, avec lui la porte
du ciel est au bout des degrés, sur le dernier palier de l’infini.
Est-il ainsi possible de vous livrer une
chronique fractale dont les mots deviendraient des marches, les phrases des
escaliers, la syntaxe une chausse-trappe, où les verbes seraient poissons et
les poissons des engrenages, où les nains deviendraient fleurs et le
chroniqueur pétale de rose.
On voit par-là que tout ce qui est rare
Escher.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire