En vedette !

dimanche 28 octobre 2018

Chronique de Serres et d’ailleurs IV (7)


Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. L’Aquitaine est une belle région dont un des joyaux est la Garonne, majestueux fleuve et mère océane qui baigne une belle partie de son territoire. Depuis que notre région est devenue « Nouvelle Aquitaine », elle s’est peuplée de pâles poitevins et de trapus limougeauds dont on se demande ce qu’ils viennent faire là. De surcroît, quand on regarde la carte des nouvelles régions, on a l’impression que l’Aquitaine a rétréci la France et qu’il n’y avait que nous pour avaler ces petits peuples en errance après les réformes sarkollandiennes. Soyons indulgents, ils ne possédaient point de Garonne et cette dernière est tellement généreuse qu’il y en a pour tous.
Parlant de cette Garonne, rappelons-nous qu’avant de devenir Gironde elle se rejoint avec le Dordogne en créant, avant le Bec d’Ambès, un limoneux entrejambe aux rives impénétrables ou énigmatiques et aux rampails riches d’alluvions de toutes sortes. Cet étroit pays aux terres spongieuses et aux demeures étranges qui résistent à l’eau a inspiré un très beau livre à Lysiane Rolland, ce livre s’appelle « Demeures », bien nommé puisqu’il parle de ces maisons de l’entre-deux-mers qui, toujours menacées par la force des eaux, inlassablement résistent à ce qui les ronge sans les abattre. Ce livre est édité par « Les dossiers d’Aquitaine » et contient neuf courts textes après une prenante préface de Michel Suffran.
L’auteur nous fait ainsi visiter d’étranges demeures, toutes différentes et dont elle lève l’âme profonde. Elle nous ouvre des portes secrètes  derrière lesquelles chouette ou dame blanche veille sur les lieux. Restant toujours à la réalité des choses, elle en décrit, à sa manière impressionniste, toute la possibilité de fantastique ou de supra réel qu’elles contiennent.
Il y a ce ténébreux château transformé en restaurant mais dont les premiers clients sont les discrets hommes de l’eau, qui habitent le marais et vivent de la pêche. La narratrice découvre l’ambiance curieuse que l’hôtesse donne à ces lieux. On entre dans son univers, peut-être narcissique, peut-être illuminé, où la châtelaine peigne une poupée à son image et où une peinture, comme une mise en abyme, représente encore une femme blonde et implorante, troublante image reflet de la propriétaire du lieu.
Il y a aussi la tour habitée où Lucie, jeune femme qui a gardé la fraîcheur des désirs de son enfance, va louer avec son mari et son enfant la maison avec la tour qui l’avait faite rêver dans sa jeunesse. Elle ouvrira la porte aux secrets, la porte derrière laquelle habite l’oiseau de nuit aux yeux jaunes bordés de grands cils. Et c’est là qu’elle reçoit le message de la tour : avec la certitude d’être en sécurité, enrobée dans le cocon de pierre qui la protègera, elle baignerait dans une douce harmonie, elle aurait un autre enfant et ce serait une fille très douce ayant une mystérieuse connaissance des choses invisibles.
Comme le dit Michel Suffran, « Lysiane Rolland n’est pas de la race de ceux qui perdent leur enfance comme une poignée de sable », son écriture souple et agréable nous entraîne vers un monde de candeur et de sincérité qui rappelle ce temps où, enfants, nous étions capables de sentir les choses au-delà de leurs apparences.
On voit par-là que vous allez vous précipiter chez votre libraire. Bonne lecture.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire