« Prenez garde ; on ne sait
pas jusqu’où l’âme s’étend autour des hommes… Ils croient que rien n’arrivera
parce qu’ils ont fermé la porte et ils ne savent pas qu’il arrive toujours
quelque chose dans les âmes et que le monde ne finit pas aux portes des
maisons »
Maeterlinck
(Intérieur).
II.
Maintenant, Pijm est propriétaire de La Furetière. Cela n’a
pas été sans une appréhension de dernière minute car Maître Bernard, le notaire
de Bourgnazan, est bel et bien le descendant du Maître Bernard qu’il a
vu lors de sa visite nocturne dans La Furetière. Il y a peu de ressemblance
entre le convive élégant qu’il avait aperçu et l’officier ministériel qui l’a
reçu dans la sombre et vieillotte étude, non loin de la maison Latinian. Au
moment de signer l’acte de vente, Pijm a craint de se trouver mal tant il était
troublé. L’acte signé, Pijm se rend directement à sa maison. Car maintenant, La
Furetière, c’est chez lui.
En arrivant, il a un moment de passage à vide. Que fait-il,
là, loin de ses Pays-Bas, de son confort de vie ? Il n’a aucune intention
de travailler cette propriété qu’il a acquise, il n’a aucun meuble à mettre
dans cette maison, il a accepté de proroger la présence de Christian et de sa
femme dans la ferme en échange de travaux d’entretien et il ne lui reste que le
château à habiter, ce château sans meubles, avec des compteurs à ouvrir, sans
chauffage. On arrive au mois de décembre, il fait encore relativement beau mais
les feuilles des arbres jonchent les pelouses et le vent souffle au travers des
menuiseries anciennes.
Il a un matelas gonflable, un sac de couchage et un peu de
matériel de camping, tout juste de quoi s’installer chichement. Il savait qu’il
ne pourrait pas passer une première nuit chez lui et avait réservé pour une
nuit de plus chez madame Latinian.
Il fait juste un tour dans la cour devant le château puis
repart vers Bourgnazan.
Le lendemain matin, il revient et déballe tout son petit
matériel dans la vaste cuisine, cela fait vraiment ridicule mais il veut
prendre possession des lieux. Ensuite, il prend les contacts nécessaires pour
rétablir l’eau, l’électricité et le téléphone. A midi, il se mitonne un frichti
de boîtes de conserve, fait un petit tour dans les bâtiments, essaye de se
repérer dans les chemins qu’il a pris sa fameuse nuit puis, vers trois heures,
il va voir Amédée Boriais. Il va bien accepter de lui parler, cet homme,
maintenant qu’il est le propriétaire de La Furetière.
Quand il arrive chez Boriais, la porte d’entrée est ouverte, il
frappe sur le battant et une voix lui répond faiblement. Pijm s’avance dans
l’entrée obscure, il entre dans une cuisine où il voit Amédée allongé dans un
transatlantique.
-
Je crois que je vous ai déjà vu, dit le vieil
homme.
-
Oui, je suis Pijm van Zwartkluut, je suis
maintenant propriétaire de La Furetière…
-
Ah oui, c’est vous, je vous ai vu cet été. On
m’a dit que La Furetière avait été vendue. Alors, c’est vous le propriétaire
maintenant ?
-
Oui, c’est moi et je viens vous voir, vous
savez, pour en savoir un peu plus, vous savez, sur les anciens propriétaires…
-
Oh, attention, les Valoire, je ne sais rien sur
eux, on ne se fréquentait pas, je ne les voyais pas. Moi, vous savez, c’est
plus ancien que cela. Et c’est surtout mon père…
Amédée se lève péniblement, prenant une main que Pijm lui
tend. Il se dirige vers un vaisselier et ouvre un des tiroirs dont il sort une
grosse enveloppe brune.
-
On m’avait dit que c’était vendu, je ne savais
pas trop à qui. Mais je viens vieux, quatre-vingt-onze ans, ce n’est pas une
paille, vous savez…
(à suivre...)
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