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jeudi 1 novembre 2018

Le temps de l'éternité (27)


« Prenez garde ; on ne sait pas jusqu’où l’âme s’étend autour des hommes… Ils croient que rien n’arrivera parce qu’ils ont fermé la porte et ils ne savent pas qu’il arrive toujours quelque chose dans les âmes et que le monde ne finit pas aux portes des maisons »
Maeterlinck (Intérieur).




II.

Maintenant, Pijm est propriétaire de La Furetière. Cela n’a pas été sans une appréhension de dernière minute car Maître Bernard, le notaire de Bourgnazan, est bel et bien le descendant du Maître Bernard qu’il a vu lors de sa visite nocturne dans La Furetière. Il y a peu de ressemblance entre le convive élégant qu’il avait aperçu et l’officier ministériel qui l’a reçu dans la sombre et vieillotte étude, non loin de la maison Latinian. Au moment de signer l’acte de vente, Pijm a craint de se trouver mal tant il était troublé. L’acte signé, Pijm se rend directement à sa maison. Car maintenant, La Furetière, c’est chez lui.
En arrivant, il a un moment de passage à vide. Que fait-il, là, loin de ses Pays-Bas, de son confort de vie ? Il n’a aucune intention de travailler cette propriété qu’il a acquise, il n’a aucun meuble à mettre dans cette maison, il a accepté de proroger la présence de Christian et de sa femme dans la ferme en échange de travaux d’entretien et il ne lui reste que le château à habiter, ce château sans meubles, avec des compteurs à ouvrir, sans chauffage. On arrive au mois de décembre, il fait encore relativement beau mais les feuilles des arbres jonchent les pelouses et le vent souffle au travers des menuiseries anciennes.
Il a un matelas gonflable, un sac de couchage et un peu de matériel de camping, tout juste de quoi s’installer chichement. Il savait qu’il ne pourrait pas passer une première nuit chez lui et avait réservé pour une nuit de plus chez madame Latinian.
Il fait juste un tour dans la cour devant le château puis repart vers Bourgnazan.
Le lendemain matin, il revient et déballe tout son petit matériel dans la vaste cuisine, cela fait vraiment ridicule mais il veut prendre possession des lieux. Ensuite, il prend les contacts nécessaires pour rétablir l’eau, l’électricité et le téléphone. A midi, il se mitonne un frichti de boîtes de conserve, fait un petit tour dans les bâtiments, essaye de se repérer dans les chemins qu’il a pris sa fameuse nuit puis, vers trois heures, il va voir Amédée Boriais. Il va bien accepter de lui parler, cet homme, maintenant qu’il est le propriétaire de La Furetière.

Quand il arrive chez  Boriais, la porte d’entrée est ouverte, il frappe sur le battant et une voix lui répond faiblement. Pijm s’avance dans l’entrée obscure, il entre dans une cuisine où il voit Amédée allongé dans un transatlantique.

-          Je crois que je vous ai déjà vu, dit le vieil homme.
-          Oui, je suis Pijm van Zwartkluut, je suis maintenant propriétaire de La Furetière…
-          Ah oui, c’est vous, je vous ai vu cet été. On m’a dit que La Furetière avait été vendue. Alors, c’est vous le propriétaire maintenant ?
-          Oui, c’est moi et je viens vous voir, vous savez, pour en savoir un peu plus, vous savez, sur les anciens propriétaires…
-          Oh, attention, les Valoire, je ne sais rien sur eux, on ne se fréquentait pas, je ne les voyais pas. Moi, vous savez, c’est plus ancien que cela. Et c’est surtout mon père…

Amédée se lève péniblement, prenant une main que Pijm lui tend. Il se dirige vers un vaisselier et ouvre un des tiroirs dont il sort une grosse enveloppe brune.

-          On m’avait dit que c’était vendu, je ne savais pas trop à qui. Mais je viens vieux, quatre-vingt-onze ans, ce n’est pas une paille, vous savez…

(à suivre...)

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