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dimanche 25 novembre 2018

Chronique de Serres et d’ailleurs IV (11)


Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Les commémorations diverses de la première guerre mondiale dite grande sont maintenant derrière nous et il semble assez improbable que nous ayons droit à une commémoration pour les 100 ans du traité de Versailles qui fut signé le 28 juin 1919 dans le lieu le moins propre du château de Versailles, à savoir la galerie dégueulasse. Donc, dans le souci de ne point effaroucher nos voisins teutons et leur chancelière, notre président s’abstiendra certainement de fêter ce centenaire.
Toutefois et avec un peu de retard, je propose de nous remémorer un des plus grands poètes du XXème siècle, Guillaume Apollinaire qui mourut le 9 novembre 1918. Il avait été blessé au front et néanmoins à la tempe par un éclat d’obus le 17 mars 1916 et il fut trépané au mois de mai de la même année. Lorsque survint la grippe espagnole, affaibli par sa blessure, il ne s’en remit pas. Ses merveilleux poèmes nous restent et je vous en propose quelques-uns.
Clotilde : L’anémone et l’ancolie /Ont poussé dans le jardin / Où dort la mélancolie / Entre l’amour et le dédain.
 Il y vient aussi nos ombres / Que la nuit dissipera / Le soleil qui les rend sombres / Avec elles disparaîtra.
Les déités des eaux vives/ Laissent couler leurs cheveux / Passe il faut que tu poursuives / Cette belle ombre que tu veux. (Alcools, 1913)

L’Adieu : J’ai cueilli ce brin de bruyère / L’automne est morte souviens-t ’en / Nous ne nous verrons plus sur terre / Odeur du temps brin de bruyère / Et souviens-toi que je t’attends.

Voie Lactée (2) : Voie lactée ô sœur lumineuse / Des blancs ruisseaux de Chanaan / Et des corps blancs des amoureuses / Nageurs morts suivrons-nous d'ahan / Ton cours vers d'autres nébuleuses
Les démons du hasard selon / Le chant du firmament nous mènent / A sons perdus leurs violons / Font danser notre race humaine / Sur la descente à reculons
Destins destins impénétrables / Rois secoués par la folie / Et ces grelottantes étoiles / De fausses femmes dans vos lits / Aux déserts que l'histoire accable
Luitpold le vieux prince régent / Tuteur de deux royautés folles / Sanglote-t-il en y songeant /
Quand vacillent les lucioles / Mouches dorées de la Saint-Jean
Près d'un château sans châtelaine / La barque aux barcarols chantants / Sur un lac blanc et sous l'haleine / Des vents qui tremblent au printemps / Voguait cygne mourant sirène
Un jour le roi dans l'eau d'argent / Se noya puis la bouche ouverte / Il s'en revint en surnageant
Sur la rive dormir inerte / Face tournée au ciel changeant
Juin ton soleil ardente lyre / Brûle mes doigts endoloris / Triste et mélodieux délire / J'erre à travers mon beau Paris / Sans avoir le cœur d'y mourir
Les dimanches s'y éternisent / Et les orgues de Barbarie / Y sanglotent dans les cours grises
Les fleurs aux balcons de Paris / Penchent comme la tour de Pise
Soirs de Paris ivres du gin / Flambant de l'électricité / Les tramways feux verts sur l'échine /
Musiquent au long des portées / De rails leur folie de machines
Les cafés gonflés de fumée / Crient tout l'amour de leurs tziganes / De tous leurs siphons enrhumés / De leurs garçons vêtus d'un pagne / Vers toi toi que j'ai tant aimée
Moi qui sais des lais pour les reines / Les complaintes de mes années / Des hymnes d'esclave aux murènes / La romance du mal aimé / Et des chansons pour les sirènes.

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