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dimanche 16 décembre 2018

Chronique de Serres et d’ailleurs IV (14)


Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Le métier de journaliste devient de plus en plus dangereux. Rien que pour l’année 2018, de janvier à septembre, 56 journalistes ont été tués de par le monde, ce qui est plus que pour toute l’année précédente.
Mais ce sont surtout les reporters et les journalistes politiques qui sont touchés car il existe des spécialités dans le métier qui sont plus sédentaires et moins soumises au danger. De plus, c’est aussi un métier enivrant, il suffit de lire les rubriques sportives des journaux pour constater que bon nombre de leurs rédacteurs ont une nette tendance à abuser de substances grisantes. Et je ne parlerai pas des commentateurs sportifs audiovisuels. Mais s’il est un secteur où le lyrisme enivré des papivores commence à tenir le haut du pavé, c’est bien dans les suppléments « spécial éco » de nos journaux qu’on le découvre. Le journaliste économique est au journalisme ce que la romance est à la littérature, la quintessence du bon goût le plus kitsch. Ce journaliste-là ne se contente pas d’être grisé, il cultive aussi ses propres délires hallucinogènes qui le poussent en outre à néologiser gros comme le bras, de préférence dans un jargon d’apparence anglo-saxonne, cela fait plus économique, plus financier et pour tout dire plus capitaliste de bon aloi.
Pour apprécier la substantifique moelle de la romance économique, on peut se porter vers les suppléments « spécial éco » de notre généreuse PQR, en clair la presse quotidienne régionale. J’ai eu le bonheur de feuilleter ainsi un de ces suppléments gratuits car largement payés par les annonceurs publicitaires. En effet, toute bonne analyse économique se doit d’être sponsorisée sinon elle pourrait être suspectée d’indépendance ou – qui sait ? – de marxisme, de gauchisme ou d’anarchisme. Donc la lecture en est d’autant plus facile que l’on peut se dispenser de lire la réclame. Tout supplément de ce genre qui se respecte se doit de présenter des analyses d’experts, quelque dirigeant de chambre consulaire par exemple que l’on aurait sorti du placard pour la circonstance afin de nous abreuver de quelques tautologies et idées toutes faites. Ensuite, il est habile de préserver ses arrières en n’assénant pas trop de vérités définitives et, en l’occurrence, mon supplément annonce que, dans la région étudiée, la situation économique est contrastée selon les secteurs et que la saison estivale touristique fut complexe. Voilà qui nous en apprend.
Ensuite vient le langage guerrier avec les industries qui se lancent à l’assaut, qui musclent leurs positions et qui partent à la conquête du monde. Après, il est incontournable de parler d’innovation sous peine de passer pour ringard : celui qui ne parle pas d’entreprises innovantes et de start-ups se voit aussitôt relégué aux oubliettes du langage médiatico-politique. Une fois cela dit, il faut parler de création, de créativité, de recherche de financement et de performance. Et de solliciter les experts afin de booster la création et l’innovation dans l’entrepreneuriat.  Mais, last but not least, le fin du fin est d’évoquer les coachs, les fablabs et le coworking. Faute de tels mots magiques, l’hallucination ne serait pas au rendez-vous et au bout de huit pages, publicité comprise, j’avoue que déjà la tête me tourne.
On voit par-là que, pour nous aérer le cerveau, nous pourrions faire une pause-café et je vous conseille d'aller au "Art coffee break" à Marmande, au complexe commercial de Lolya. C'est un nouveau salon de thé-café où sont exposées de très belles œuvres d'une artiste peintre et où on peut aussi trouver le livre de Brigitte Macia "Les trois vies". Un agréable lieu de détente dans une atmosphère artistique.

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