Auditrices et auditeurs qui m’écoutez,
bonjour. Les petits ruisseaux font les grandes rivières et, à ce propos, je
parlerai aujourd’hui du livre « histoire d’un ruisseau », publié
en 1869 par Elisée Reclus. Ce livre a été réédité en 2010 chez infolio éditions
avec une introduction de Joël Cornuault.
Mais, pour parler du livre, il me faut
d’abord parler de son auteur né en 1830 dans notre région à Sainte-Foy-la-Grande
et qui fut longtemps connu pour sa « Nouvelle Géographie
Universelle », une extraordinaire somme pour son époque. Mais sa célébrité
ne devait rien à une reconnaissance officielle puisqu’il fut banni de France à
plusieurs reprises et mourut en exil.
Fils de pasteur, il obtint son diplôme de
bachelier de lettres puis suivit les cours d’un géographe en Allemagne avant de
s’engager en politique, ce qui lui valut d’être recherché par la police après
le coup d’Etat de décembre 1851. Premier exil pour cet homme qui avait mis fin
à ses études officielles mais resta toute sa vie un autodidacte passionné. Il
rentre en France en 1857, fait la connaissance de Bakounine et de socialiste
devient anarchiste. A l’époque, le mot socialiste avait une valeur sociale que
nous ne lui connaissons plus et l’anarchisme était, pour ses tenants, la forme
la plus élaborée de l’ordre dans la société, à savoir dans une société sans pouvoirs
formée d’individus responsables et solidaires. Pour Reclus, la transmission du
savoir est une vocation sociale et l’apprentissage de la science un espoir pour
une société nouvelle. Enseignant il le fut mais sans rémunération dans
l’Université Nouvelle, à Bruxelles, université libre ouverte aux théories
positivistes et basée sur le libre examen.
Donc, son livre « Histoire d’un
ruisseau » est une œuvre d’éducation populaire en même temps qu’une
poétique évocation et on sent tout de
suite les rivières et ruisseaux dans lesquels il jouait et se baignait, encore
enfant. Le livre commence ainsi : « L’histoire d’un ruisseau, même celui
qui naît et se perd dans la mousse, est l’histoire de l’infini ». Et il
nous fait visiter ce cycle infini de l’eau et du ruisseau, je ne citerai pas
les titres des 20 chapitres mais les principaux à savoir la source, le
désert, le torrent, la grotte, les fontaines, les cascades, les remous,
l’inondation, l’irrigation, le fleuve…
C’est une promenade tant éducative que
littéraire à laquelle nous sommes conviés et, parlant justement de la
promenade, il écrit : « la société ne cessera de souffrir, elle sera
toujours dans un état d’équilibre instable, aussi longtemps que les hommes,
voués en si grand nombre à la misère, n’aurons pas tous, après la tâche
quotidienne, une période de répit pour régénérer leur vigueur et se maintenir
ainsi dans leur dignité d’êtres libres et pensants. Ah ! Baguenauder sur
le bord de l’eau, quel repos agréable et quel puissant moyen pour ne pas
retomber au niveau de la brute ! »
Reclus nous entraîne de la source jusqu’à
la mer au long des fossés, des ravins, par les broussailles et sur les berges
et ceux qui ont des ruisseaux ou des rivières de leur jeunesse s’y
retrouveront, pris par le flot. Puis il conclut avec cette métaphore :
« Les peuples, devenus intelligents, apprendront certainement à s’associer
en une fédération libre : l’humanité, jusqu’ici divisée en courants
distincts, ne sera plus qu’un même fleuve, et, réunis en ce seul flot, nous
descendrons ensemble vers la grande mer où toutes les vies vont se perdre et se
renouveler. »
Depuis, il a coulé bien de l’eau sous les
ponts mais on voit par-là qu’on pourrait y arriver.
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