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dimanche 2 décembre 2018

Chronique de Serres et d’ailleurs IV (12)


Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Les petits ruisseaux font les grandes rivières et, à ce propos, je parlerai aujourd’hui du livre « histoire d’un ruisseau », publié en 1869 par Elisée Reclus. Ce livre a été réédité en 2010 chez infolio éditions avec une introduction de Joël Cornuault.
Mais, pour parler du livre, il me faut d’abord parler de son auteur né en 1830 dans notre région à Sainte-Foy-la-Grande et qui fut longtemps connu pour sa « Nouvelle Géographie Universelle », une extraordinaire somme pour son époque. Mais sa célébrité ne devait rien à une reconnaissance officielle puisqu’il fut banni de France à plusieurs reprises et mourut en exil.
Fils de pasteur, il obtint son diplôme de bachelier de lettres puis suivit les cours d’un géographe en Allemagne avant de s’engager en politique, ce qui lui valut d’être recherché par la police après le coup d’Etat de décembre 1851. Premier exil pour cet homme qui avait mis fin à ses études officielles mais resta toute sa vie un autodidacte passionné. Il rentre en France en 1857, fait la connaissance de Bakounine et de socialiste devient anarchiste. A l’époque, le mot socialiste avait une valeur sociale que nous ne lui connaissons plus et l’anarchisme était, pour ses tenants, la forme la plus élaborée de l’ordre dans la société, à savoir dans une société sans pouvoirs formée d’individus responsables et solidaires. Pour Reclus, la transmission du savoir est une vocation sociale et l’apprentissage de la science un espoir pour une société nouvelle. Enseignant il le fut mais sans rémunération dans l’Université Nouvelle, à Bruxelles, université libre ouverte aux théories positivistes et basée sur le libre examen.
Donc, son livre « Histoire d’un ruisseau » est une œuvre d’éducation populaire en même temps qu’une poétique évocation  et on sent tout de suite les rivières et ruisseaux dans lesquels il jouait et se baignait, encore enfant. Le livre commence ainsi : « L’histoire d’un ruisseau, même celui qui naît et se perd dans la mousse, est l’histoire de l’infini ». Et il nous fait visiter ce cycle infini de l’eau et du ruisseau, je ne citerai pas les titres des 20 chapitres mais les principaux à savoir la source, le désert, le torrent, la grotte, les fontaines, les cascades, les remous, l’inondation, l’irrigation, le fleuve…
C’est une promenade tant éducative que littéraire à laquelle nous sommes conviés et, parlant justement de la promenade, il écrit : « la société ne cessera de souffrir, elle sera toujours dans un état d’équilibre instable, aussi longtemps que les hommes, voués en si grand nombre à la misère, n’aurons pas tous, après la tâche quotidienne, une période de répit pour régénérer leur vigueur et se maintenir ainsi dans leur dignité d’êtres libres et pensants. Ah ! Baguenauder sur le bord de l’eau, quel repos agréable et quel puissant moyen pour ne pas retomber au niveau de la brute ! »
Reclus nous entraîne de la source jusqu’à la mer au long des fossés, des ravins, par les broussailles et sur les berges et ceux qui ont des ruisseaux ou des rivières de leur jeunesse s’y retrouveront, pris par le flot. Puis il conclut avec cette métaphore : « Les peuples, devenus intelligents, apprendront certainement à s’associer en une fédération libre : l’humanité, jusqu’ici divisée en courants distincts, ne sera plus qu’un même fleuve, et, réunis en ce seul flot, nous descendrons ensemble vers la grande mer où toutes les vies vont se perdre et se renouveler. »
Depuis, il a coulé bien de l’eau sous les ponts mais on voit par-là qu’on pourrait y arriver.

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