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dimanche 30 décembre 2018

Chronique de Serres et d’ailleurs IV (16)


Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. La fièvre commémorative s’étant emparée des grands média après l’armistice de la Grande Guerre, voici que l’on nous tartine les soixante-dix ans de la proclamation de la DUDH, soit la déclaration universelle des droits de l’homme qui fut adoptée par l’ONU le 10 décembre 1948 au palais de Chaillot. Tout ceci pour nous dire que l’on est bien loin de voir les droits stipulés dans cette déclaration reconnus dans tous les pays du monde, même si ceux-ci ont voté cette déclaration. Il faut rappeler que cette charte fait suite à un certain nombre de déclarations précédentes telles que le « Bill of Rights » de 1689 en Angleterre, celui de la Constitution américaine  en 1791 et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en France, de 1789. Ce sont des déclarations nationales mais en 1948, cette déclaration se veut universelle et donc supranationale. Toutefois, cette déclaration – pour universelle qu’elle soit dite – n’a pas de valeur contraignante et on constate que bien des gouvernements ne s’en soucient guère.
A bien y regarder, cette déclaration parle uniquement de droits et les grands absents de ce texte sont étonnamment les devoirs. Promenez-vous de ci et de là en France et vous entendrez de partout des citoyens qui se gargarisent de leurs droits –bafoués ou non – sans jamais évoquer le moins du monde les devoirs qu’ils ont envers la planète, le genre humain, le règne animal et végétal et j’en passe. Je dirai qu’à mon avis, un bébé qui naît n’a pas particulièrement de droits : qu’en ferait-il s’il n’a pas la possibilité d’en user ? Il est un peu comme cet habitant du fond de la brousse qui me disait de l’article 11 de notre déclaration, où il est écrit que tout citoyen peut parler, écrire, imprimer librement : « Qu’est-ce que tu veux que j’en pense, même si j’avais une imprimante, il n’y aurait personne pour lire ce que j’ai écrit. Alors tu vois, votre truc, je m’en tamponne le coquillard avec une patte d’alligator femelle ! » Revenons à notre bébé : pour qu’il vive, qu’il grandisse et s’épanouisse, ses droits ne lui servent de rien. Ce sont les devoirs des parents envers lui, ou à défaut les devoirs de la société – nous tous – envers lui qui lui permettront d’avoir un jour des droits et d’en user. Mais non sans avoir aussi des devoirs lui-même. Les droits de l’homme sont donc une sorte de morale en creux, une coquille vide de devoirs.
En 1949 fut publié un livre posthume de Simone Weil –la philosophe dont le nom commence par un W et donc pas la femme politique dont le nom commence par un V –  intitulé : « L’enracinement. Prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain ». Ce livre commence ainsi : «  La notion d'obligation prime celle de droit, qui lui est subordonnée et relative. Un droit n'est pas efficace par lui-même, mais seulement par l'obligation à laquelle il correspond ; l'accomplissement effectif d'un droit provient non pas de celui qui le possède, mais des autres hommes qui se reconnaissent obligés à quelque chose envers lui. L'obligation est efficace dès qu'elle est reconnue. Une obligation ne serait-elle reconnue par personne, elle ne perd rien de la plénitude de son être. Un droit qui n'est reconnu par personne n'est pas grand-chose. Cela n'a pas de sens de dire que les hommes ont, d'une part des droits, d'autre part des devoirs. Ces mots n'expriment que des différences de point de vue. Leur relation est celle de l'objet et du sujet. Un homme, considéré en lui-même, a seulement des devoirs, parmi lesquels se trouvent certains devoirs envers lui-même. Les autres, considérés de son point de vue, ont seulement des droits. Il a des droits à son tour quand il est considéré du point de vue des autres, qui se reconnaissent des obligations envers lui. Un homme qui serait seul dans l'univers n'aurait aucun droit, mais il aurait des obligations. »
On voit par-là que les riches et les pauvres devraient arrêter de nous bassiner avec leurs droits et penser un peu à leurs devoirs.

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