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jeudi 14 mars 2019

Appelez-moi Fortunio (5)


Une de ses voisines s’étant levée pour aller voir où en est le chapon, un des mecs vient prendre sa chaise.
-          Pardonnez-moi si je m’excuse, cher ami, mais je compte restituer sa place à votre charmante voisine dès que nous aurons eu la possibilité de nous présenter mutuellement, ce que nous n’avons guère eu le temps de faire jusqu’à présent. Pour ma part, je m’appelle René Cinsault. J’habite au-delà de Caussade et je suis, en quelque sorte, un collègue de Mario. Je suis venu avec mon épouse et un couple d’amis. Mario m’a parlé de vous, j’aimerais bien faire plus ample connaissance. Ce n’est peut-être pas le moment mais ce serait assez sympa de se revoir ultérieurement, je suis certain que nous pourrions avoir des discussions passionnantes. Ah ! Je vous présente Christine, mon épouse. Christine, dis bonjour au monsieur !
-          Je n’ai pas attendu que tu me siffles pour lui dire bonjour, répond-elle. Mais plutôt deux fois qu’une, pourquoi pas ? ajoute-t-elle en me claquant une bise.
-          Ah oui, plutôt deux fois qu’une, répète-t-il benêtement. Je suppose qu’il est inutile que je me présente mais je le fais quand même : pour vous servir, Albert Forelle, maçon de son état et présentement ex fiévreux repenti. Enchanté de faire votre connaissance, madame, et accessoirement celle de votre époux. J’ignore ce que Mario a pu dégoiser sur mon compte mais j’aurais certainement plaisir à ce que l’on se revoie.
-          Bon, voilà le chapon et le retour de votre ange gardien, je cède la place. L’accessoire vous remercie, dit René Cinsault en éclatant de rire.
La soirée continue ainsi gaiement. Ses deux voisines rivalisent d’attentions charmantes à son égard. Les autres leur reprochent de monopoliser Albert et, sitôt qu’une des deux se lève, très vite une mignonne fait mine de prendre la place entre la poire et le fromage. Avant d’arriver au dessert, les bouteilles de champagne font leur apparition et comme minuit approche, on compte les secondes. Minuit pile, c’est le premier janvier et on se précipite pour s’embrasser à qui mieux mieux. Quelques pétards éclatent et les bouchons pètent, on trinque et on propose de danser dehors, dans le brouillard, à la seule lumière de quelques lampions. La musique est enjouée, on passe de bras en bras jusqu’à ce que l’on se dirige à nouveau vers la table, la bûche de nouvel-an et les coupes de champagne.
Dessert, café, champagne encore - ou pousse-café -, on décide de pousser les tables et de se remettre à danser. On commence par valser avec les coupes en main, en croisant les bras libres puis le rock’n’roll s’y met, l’ambiance chauffe et il y en a qui montent sur les tables. Albert aussi se lâche et exécute un ballet périlleux. La musique est bonne et Albert s’est mis au diapason des invités et surtout des invitées. A deux heures du matin, la musique se radoucit et prend des langueurs de slow. Albert partagerait bien un langoureux moment avec une charmante blonde qui se dérobe et il est capté par une brune aux yeux verts qui l’entraîne sur un tempo un peu rapide, stratégie qui les mène dans un coin sombre où elle ralentit le rythme en se serrant langoureusement contre lui. Le morceau se termine trop vite à leur goût. Toutefois les Procul Harum démarrent leurs nuits de satin blanc et ils repartent d’aussi belle. L’entraînant encore plus loin, elle l’embrasse sur la bouche, lui coupant le souffle. A la fin du morceau, elle se détache doucement en lui glissant :
-          Je pensais m’emm…nuyer profondément ce soir. Mais en te voyant, j’ai tout de suite compris que…
-          Savez-vous, dit-il en se lâchant, ce que Nietschze dit à propos de l’ennui des dames ?
-          Je suppose que vous allez me le servir, trésor… je crains le pire !
(à suivre...)

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