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jeudi 21 mars 2019

Appelez-moi Fortunio (6)


-          Craignez, craignez… Donc, il dit, à propos de vous autres : un homme rampe à nos genoux, l’ennui s’enfuit à tire d’aile.
-          Ramperiez-vous à mes genoux, très cher ? Je comprends. Je crois que, d’une certaine manière, vous avez parfaitement raison…
-          J’ai encore trop parlé, je ne peux pas tenir ma langue…
-          As-tu remarqué que moi non plus, je ne sais pas tenir ma langue. Allons, je te laisse à toutes ces greluches, amuse-toi maintenant. Mais nous n’en avons pas fini, moi et toi, on se retrouvera. J’ai capté ton numéro de téléphone… Je t’appellerai. Vu ?
C’est une question qui semble ne pas souffrir pas de réponse et il se contente d’un sourire un peu niais. Il se rend compte un peu plus tard que le mari de sa cavalière, très occupé de son côté, fait partie de l’assemblée. Albert se dirige vers un buffet où il récupère sa coupe de champagne. René Cinsault vient vers lui avec une bouteille de roteuse.
-          Je crois, cher ami, que vous faites une forte impression sur notre médecin-psychiatre et c’est tout à votre honneur.
-          J’ignorais que madame fût toubib pour les fous : c’est en cela que j’ai dû l’intéresser. Ferait-elle donc partie de ce couple d’amis avec lequel vous vîntes ?
-          Nous vînmes en effet dans le même véhicule. Il faut dire que monsieur Setier a une grosse berline allemande d’un grand confort. Il aime tellement son confort qu’il néglige parfois sa femme…
-          Serait-elle trop anguleuse ? demande Albert,  déjà passablement éméché.
-          Angulé vous-même, cher ami. Foin de toutes ces considérations, si vous passez du côté de Caylus, prévenez-moi et je me ferai un plaisir de vous inviter à manger autant qu’à discuter de plein de choses intéressantes accompagnées de boissons acidulées.
-          Volontiers, répond Albert, mais voyez comme je suis occupé en ce moment...
En effet, deux copines viennent s’emparer des mecs et les entraînent à nouveau dans une farandole des plus sataniques. Vers cinq heures du matin, Albert n’en peut plus et décide de repartir. Les adieux sont splendides, on s’embrasse à qui mieux mieux. Puis il remonte dans sa pétrolette, affrontant le brouillard qui n’a pas cessé. Sur le chemin, il somnole un peu et fait une embardée, il ne peut éviter de traverser un fossé et se retrouve dans une prairie herbeuse. Cela le réveille brutalement. Sans difficulté il trouve une sortie et reprend son chemin, concentrant bien son attention sur sa conduite. Il retrouve son bercail sain et sauf. En entrant chez lui, il entend sonner le téléphone : c’est Mario, tous s’inquiètent de savoir s’il est à bon port et comme les voilà rassurés, Albert a droit à toute une kyrielle de bisous téléphoniques de la part de ses nouvelles copines. Il raccroche et se couche sans avoir même regardé s’il y a encore du bois dans le poêle.

*
(à suivre...)

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