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dimanche 3 mars 2019

Chronique de Serres et d’ailleurs IV (25)


Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Cette semaine encore je vous parle d’un roman  sobrement intitulé « Les trois vies ». C’est le titre mais ne vous attendez pas à trouver trois destinées là-dedans, vous en aurez bien plus pour le prix de trois. L’auteure de ce livre s’appelle Brigitte Macia et il a été publié en auto édition Gladys en octobre 2018. Il coûte 13,70 Euros et vous pouvez le trouver dans les bonnes librairies de Marmande ou, encore mieux, au Art Coffee Break, salon de thé au centre commercial de Lolya à Marmande.
Je viens de lire ce roman que j’ai - presque bon gré, mal gré – lu d’une traite. Pourquoi mal gré ? Parce qu’au début, j’ai eu l’impression que je n’arriverais pas à le terminer : j’avais l’impression de commencer à lire un long soliloque, un monologue intarissable, pas de chapitres, rien que des paragraphes qui se suivent. Et puis, tiens… voilà la dernière page ! Après trois vies, mais des vies dont on se demande comment on peut faire pour les vivre. Et comment les raconter…
Eh oui, comment parler d’une trajectoire, toujours en zigzags, toujours au pied de l’échelle, des destins d’enfants de géniteurs eux-mêmes sans autre espoir que de se reproduire en reproduisant les identiques galères et les mêmes horizons sans lumière ? Comment parler d’une vie où les étapes sont la justice avec ses juges, la tôle avec ses matons, puis l’hôpital psychiatrique avec ses fous. Et encore la rue, les foyers, une vie faite d’escales sans lendemains et où finalement la vie militaire apparaît comme ouvrant un espace rassurant, dur mais apaisé, sévère mais tranquillisant ? Comment parler des grandes misères et des petits bonheurs qui se cachent dans les replis d’une vie lisse comme une planche savonneuse, rugueuse le gant de crin et ridée comme toute la vieillesse du monde ? Une vie où ce n’est même plus de l’égoïsme de pratiquer le chacun pour soi mais l’élémentaire instinct de survie qui fait se replier sur un ersatz d’ego : pas de narcissisme dans une telle vie, il vaut mieux n’avoir jamais à se regarder dans une glace et de courir le risque de s’y reconnaître.
Alors comment dire tout cela sinon dans une lente litanie qui égrène tous les trébuchements de ce je, autant unique que triple car on se demande à chaque page si trois vies peuvent contenir tant de pénurie, tant d’indigence, tant de vides qui comblent une existence à force de marcher sans jamais avancer, une existence inlassablement emportée par le courant et qui de temps à autre croit pouvoir alluvionner en un lieu tranquille mais d’où chaque fois le courant d’une société implacable vient la déloger. C’est une mélopée douce par moments qui se fait rap, saccadée et violente, puis revient sur un tempo moyen pour se briser comme une voix qui s’éraille.
Alors, comment en parler sinon en laissant la parole couler, comme une musique, comme un ruisseau, comme une tempête. Et le lecteur que je suis s’est laissé enlever par le flot, au gré de ce vent qui siffle et cette lecture m’a emporté jusqu’au bout sans que je me rende compte qu’il n’y a pas le mot fin car rien n’est jamais fini et le triple je du roman livre sa philosophie de vie, qui a sédimenté au fil des métamorphoses et des avatars.
Dans ce roman, Brigitte Macia joue triple je ; mais on a bien l’impression d’avoir vécu trois vies en refermant ce livre.
Bonne lecture à vous, auditrices et auditeurs.

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