Auditrices et auditeurs qui m’écoutez,
bonjour. Cette semaine encore je vous parle d’un roman sobrement intitulé « Les trois
vies ». C’est le titre mais ne vous attendez pas à trouver trois destinées
là-dedans, vous en aurez bien plus pour le prix de trois. L’auteure de ce livre
s’appelle Brigitte Macia et il a été publié en auto édition Gladys en octobre
2018. Il coûte 13,70 Euros et vous pouvez le trouver dans les bonnes librairies
de Marmande ou, encore mieux, au Art Coffee Break, salon de thé au centre
commercial de Lolya à Marmande.
Je viens de lire ce roman que j’ai -
presque bon gré, mal gré – lu d’une traite. Pourquoi mal gré ? Parce qu’au
début, j’ai eu l’impression que je n’arriverais pas à le terminer :
j’avais l’impression de commencer à lire un long soliloque, un monologue
intarissable, pas de chapitres, rien que des paragraphes qui se suivent. Et
puis, tiens… voilà la dernière page ! Après trois vies, mais des vies dont
on se demande comment on peut faire pour les vivre. Et comment les raconter…
Eh oui, comment parler d’une trajectoire,
toujours en zigzags, toujours au pied de l’échelle, des destins d’enfants de
géniteurs eux-mêmes sans autre espoir que de se reproduire en reproduisant les
identiques galères et les mêmes horizons sans lumière ? Comment parler
d’une vie où les étapes sont la justice avec ses juges, la tôle avec ses
matons, puis l’hôpital psychiatrique avec ses fous. Et encore la rue, les
foyers, une vie faite d’escales sans lendemains et où finalement la vie
militaire apparaît comme ouvrant un espace rassurant, dur mais apaisé, sévère
mais tranquillisant ? Comment parler des grandes misères et des petits
bonheurs qui se cachent dans les replis d’une vie lisse comme une planche
savonneuse, rugueuse le gant de crin et ridée comme toute la vieillesse du
monde ? Une vie où ce n’est même plus de l’égoïsme de pratiquer le chacun pour
soi mais l’élémentaire instinct de survie qui fait se replier sur un ersatz
d’ego : pas de narcissisme dans une telle vie, il vaut mieux n’avoir
jamais à se regarder dans une glace et de courir le risque de s’y reconnaître.
Alors comment dire tout cela sinon dans
une lente litanie qui égrène tous les trébuchements de ce je, autant unique que
triple car on se demande à chaque page si trois vies peuvent contenir tant de
pénurie, tant d’indigence, tant de vides qui comblent une existence à force de
marcher sans jamais avancer, une existence inlassablement emportée par le
courant et qui de temps à autre croit pouvoir alluvionner en un lieu tranquille
mais d’où chaque fois le courant d’une société implacable vient la déloger.
C’est une mélopée douce par moments qui se fait rap, saccadée et violente, puis
revient sur un tempo moyen pour se briser comme une voix qui s’éraille.
Alors, comment en parler sinon en laissant
la parole couler, comme une musique, comme un ruisseau, comme une tempête. Et
le lecteur que je suis s’est laissé enlever par le flot, au gré de ce vent qui
siffle et cette lecture m’a emporté jusqu’au bout sans que je me rende compte
qu’il n’y a pas le mot fin car rien n’est jamais fini et le triple je du roman
livre sa philosophie de vie, qui a sédimenté au fil des métamorphoses et des
avatars.
Dans ce roman, Brigitte Macia joue triple
je ; mais on a bien l’impression d’avoir vécu trois vies en refermant ce
livre.
Bonne lecture à vous, auditrices et
auditeurs.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire